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LA COCHE.

Le cœur serré, jetta si piteux crys,
Qu’à les monstrer defaillent mes escritz.
Mais en voyant la tierce que la place
Luy demouroit, me dit de bonne grace :
Ma Dame, autant que douleur les tourmente,
Souffrans l’ennuy de leurs ingrats amys,
L’Amour parfait qui dens mon cœur s’est mys
Fait que n’ont mal qu’ainsi qu’elles ne sente :
Car mon vouloir au leur est si uny
Que si leurs cœurs ont peine pour aymer
Ceux que l’on peult cruelz amys nommer,
Le mien en est comme les leurs puny.
Comme elles j’ay creu leurs amys loyaux,
Lesquelz j’aymois comme le propre mien,
Participant en leur plaisir et bien
Comme je veux avoir part en leurs maux.
Si j’ay eu part en leur felicité,
Où si bien fut nostre union gardée,
Seroit donc bien maintenant retardée
Ceste union pour leur necessité ?
Non, mais courir veux aussi viste qu’elles
A leur malheur, sans jamais departir,
Jusques à ce que l’Ame pour partir
Aura reprins ses ælles immortelles.
Peine, tourment, voire dix mille morts,
Ne me feront peur de m’en tenir près.
Si mort les prend, pourrois je vivre après,