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LA COCHE.


Dames (pour Dieu) n’attribuez à vice
Si j’ay laissé, long temps ha, cest office,
Pensant, pour vray, qu’Amour n’avoit obmis
Un seul des tours qu’il fait en ses amys,
Qu’en mes escritz passez ne soit trouvé,
Et de mon temps veu, ouy ou prouvé.
Et si leur dis : Je reprendray la plume,
Et feray mieux que je n’ay de coustume,
Si le subjet me voulez descouvrir.
Ainsi disant, vy leurs doux yeux couvrir
D’une nuée de larmes, dont la presse
Les feit sortir par pluye trop espesse.
Me regardans, me prindrent pour aller
Dedens le pré, où longtemps sans parler
Allasmes loing ; et lors me prins leur dire :
Si ne parlez, je n’ay garde d’escrire.
Pour Dieu, tournez le pleur qui vous affole
A descharger vostre ennuy par parole.
L’une me creut, non la moins vertueuse,
Ny ennuyée, et dit en voix piteuse :
O vous, Amans, si pitié jamais eut
Sur vous povoir de convertir en larmes
Vos tristes yeux, si jamais douleur peut
Brusler voz cœurs par ses cruelz alarmes,
Et si jamais Amour voz langues feit
Fondre, disant piteux et tristes termes,
Oyez le plaingt du cœur non desconfit,