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LA PREMIERE DAME.

Car mieux me duist
De voir mon corps tout en cendre réduit,
Et que soyez en liberté conduit,
Que, luy vivant, de luy soyez séduit.
Car endurer
Je ne puis plus de vous voir tant durer
En cest amour, dont bien vous puis jurer
Que sans cesser désire procurer
La délivrance.
Soit pour fuyr tousjours vostre présence,
Ou m’efforcer de faire contenance,
Pour vous oster de moy toute espérance.
Je me complains.
Car je ne puis ainsi comme je feins
Vous vouloir mal. Vos souspirs et vos plaings,
Que je congnois d’extrême amour si plains,
Me font mourir.
Et si par mort je vous povois guérir.
Vous m’y verriez de tresbon cœur courir.
Las, autrement ne vous puis secourir ;
Car plus je veux
Vous appaiser, quand nous parlons nous deux,
Plus je vous voy engendrer souspirs neufz,
Et renouer de vostre amour les nœuz.
Quel desplaisir !
Je ne puis nul en ce monde choisir
A qui parler tant aymasse à loisir,