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COMPLAINTE POUR UN PRISONNIER.

En toy qui es le vray cœur de mon cœur,
Chef de mon chef, vigueur de ma vigueur,
Qu’est il besoing qu’une autre fois je sois
Assubjetty de soustenir ce poix ?
Si tu as beu mon langoureux calice,
Fault il encor que je le transgloutisse ?
Plustot, mon Roy, fais moy humer le tien,
Le tien, Seigneur, pour eschange du mien,
Que tu as beu, le tien tant savoureux.
{Helas !) pourquoy suis je tant malheureux
D’avoir fuy sy long temps à le boire ?
Ce grand honneur, ceste noble couronne,
Las ! ce regret double tourment me donne.
Combien plus doux, plus honnorable et digne
Seroit souffrir pour ta sainte doctrine,
Pour ton honneur, pour ta vive Parole !
mon penser, mon ame vaine et fole,
Que cuydois tu ? Qu’icy n’y eust du bois
De quoy malheur te deust dresser ta croix ?
Ha, mon Adam, ha, ma chair infelice,
Qu’as tu gaigné à tant fuyr la lice,
Et le combat pour un tant riche prix ?
Qu’as tu gaigné ? maintenant tu es pris,
Et soubs la main des Juges arresté,
Et si ne sçais comme y seras traité.
Que si c’estoit pour illustrer le nom,
Pour avancer le triomphe et renom