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DU TOME PREMIER

des conjectures, aussi ingénieuses que solides, mises par M. Franck dans la Préface de se récente édition de l’Heptaméron. M. Le Roux de Lincy étant le premier qui ait soulevé la question, il n’est pas étonnant qu’on puisse y revenir après lui. — M.

Voici d’abord le passage de sa Préface :

« Sous le nom de Hircan, Marguerite a placé parmi ses interlocuteurs un personnage qui ressemble à son premier mari, Charles, Duc d’Alençon. Elle ne le peint pas sous des couleurs très-favorables, mais elle dut se faire à cet égard d’autant moins de scrupules que le Duc d’Alençon était mort à l’époque où elle écrivait son Heptaméron. Ce qui peut confirmer notre conjecture, c’est la déférence avec laquelle les autres personnages s’adressent à lui. Dans le Prologue, il dit à l’un des interlocuteurs : « Puisque vous avez commencé la parole, c’est raison que vous commandiez, car au jeu nous sommes tous égaux. » Plusieurs dialogues entre Hircan & sa femme Parlamente peuvent passer pour des allusions au mauvais ménage que paraissent avoir toujours fait le Duc & la Duchesse d’Alençon.

« Si, comme nous le pensons, Marguerite a placé le Roi de Navarre parmi les interlocuteurs de son Heptaméron, ce doit être sous le nom du Gentil Chevalier Symontault. Dans le Prologue, il est dit que Parlamente loua Dieu du retour imprévu de ce Gentilhomme, car long temps avoit qu’elle le tenoit pour son très affectionné serviteur. Un peu plus loin, Symontaut ayant dit que, pour lui, le premier bien de ce monde seroit de pouvoir commander à toute la compagnie, Parlamente, comprenant ce souhait, toussa afin de pouvoir cacher sa rougeur à son mari. À plusieurs reprises, Symontaut se plaint des cruautés de sa dame & des souffrances que l’amour lui a causées. Quand il aurait trompé cent mille femmes, dit-il, il ne serait pas encore vengé des peines qu’une seule lui a fait endurer ; mais Parlamente n’ajoute pas beaucoup de foi à d’aussi beaux sentiments ; elle accuse même Symontaut de n’être pas le plus fidèle des maris. Si l’on se rappelle la conduite du Roi de Navarre envers Marguerite, ce dernier trait viendrait encore à l’appui de notre conjecture.

« Sous le nom d’Ennasuite la Reine de Navarre a bien pu cacher celui d’Anne de Vivonne, mère de Brantôme, qui, au dire de cet historien, fut l’une des devisantes de l’Heptaméron.

« Le caractère de Longarine s’applique aussi assez bien à Blanche de Tournon, veuve en secondes noces de Jacques de Coligny,

Hept. IV.
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