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Ve JOURNÉE

à l’église, de les accoster avecques une familière & vulgaire révérence & sans se trop avantager, le tout expressement & à fin de mieux parvenir à ses attentes.

Bref, en approchant le bout de l’an de son père, il se délibéra, au changement du dueil, de se mettre sur le bon bout & faire honneur à ses ancestres, & en tint propos à sa mère qu’il le trouva bon, desirant fort de le veoir bien marié pource qu’elle n’avoit pour tous enfans que lui & une fille jà mariée bien & honnestement. Et de faict, comme damoiselle d’honneur qu’elle estoit, luy poussoit encor le cueur à la vertu par infinité d’exemples d’autres jeunes gens de son aage, qui s’avançoient d’eux mesmes, au moins qui se monstroient dignes du lieu d’où ils estoient descenduz.

Ne restoit plus que d’adviser où ils se fourniroient, mais la mère dist :

« Je suis d’advis, Jaques, d’aller chez le compère sire Pierre », c’estoit le père de Françoise ; « il est de noz amis, il ne nous voudroit pas tromper. »

Sa mère le chatouilloit bien où il se démangeoit ; neantmoins il tint bon, disant :

« Nous en prendrons là où nous troverons nostre meilleur & à meilleur marché. Toutesfois, » dit-il, « à cause de la cognoissance de feu mon père, je suis bien content que nous y allions premier qu’ailleurs. »