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LXIIJe NOUVELLE

neur ne le y contraingnoyt, & pareillement sans une extresme force d’amour, qui est l’aveuglement des hommes vertueux, il aymeroit mieulx mourir que rompre son mariage à l’apétit d’aultruy, dont sa femme l’ayma & estima plus que jamais n’avoyt faict, voyant en une si grande jeunesse habiter tant d’honnesteté. Et, en luy demandant comme il se pourroyt excuser, veu que les Princes trouvent souvent mauvais ceulx qui ne louent ce qu’ilz ayment, mais il luy respondit :

« J’ay tousjours oy dire que le saige a le voiage ou une malladie en la manche pour s’en ayder à sa nécessité, par quoy j’ay délibèré de faindre quatre ou cinq jours devant estre fort malade, à quoy vostre contenance me pourra bien fort servir.

— Voilà, « dist sa femme, » une bonne & saincte ypocrisie, à quoy je ne fauldray de vous servir de myne la plus triste dont je me pourray adviser, car qui peut éviter l’offence de Dieu & l’ire du Prince est bien heureux. »

Ainsy qu’ilz délibérèrent ilz feirent, & fut le Roy fort marry d’entendre par la femme la malladye de son mary, laquelle ne dura guères, car, pour quelques affaires qui vindrent, le Roy oblya son plaisir pour regarder à son debvoir & partyt de Paris.

Or ung jour, ayant mémoire de leur entreprinse qui n’avoyt esté mise à fin, dist à ce jeune Sei-