Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/213

Cette page a été validée par deux contributeurs.
199
LXe NOUVELLE

honneste ou ung amy pour ung Prestre, quelque beau & honneste que sçeût estre.

— Je vous prye, Dagoucin, » dist Hircan, « ne vous meslez poinct de parler de nostre mère saincte Église, mais croyez que c’est grand plaisir aux pauvres femmes crainctives & secrettes de pêcher avecq ceulx qui les peuvent absouldre, car il y en a qui ont plus de honte de confesser une chose que de la faire.

— Vous parlez, » dist Oisille, « de celles qui n’ont poinct congnoissance de Dieu & qui cuydent que les choses secrettes ne soient pas une foys révélées devant la Compaignye Céleste ; mais je croy que ce n’est pas pour chercher la confession qu’ilz cherchent les Confesseurs, car l’Ennemy les a tellement aveuglez qu’elles regardent à s’arrester au lieu qu’il leur semble le plus couvert & le plus seur que de se soucyer d’avoir absolution du mal dont elles ne se repentent poinct.

— Comment repentir, » dist Saffredent, « mais s’estiment plus sainctes que les autres femmes, & suys seur qu’il y en a qui se tiennent honorées de persévérer en leur amityé.

— Vous en parlez de sorte, » dist Oisille à Saffredent, « qu’il semble que vous en sçachiez quelcune. Par quoy je vous prie que demain, pour commancer la Journée, vous nous en veullez dire ce que vous en sçavez, car voilà déjà le dernier coup de Vespres qui sonnent, pour ce que noz Religieux sont partiz incontinant qu’ilz ont oy la dixiesme Nouvelle & nous ont laissé parachever noz débatz. »

En ce disant se leva la compagnye, & arrivèrent à l’église, où ilz trouvèrent qu’on les avoyt actenduz. Et, après avoir oy leurs Vespres, souppa la compaignye