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IIIJe JOURNÉE

mectre division entre luy & sa femme, & que, si la chose estoyt vraye comme il disoyt, il la luy pourroit bien monstrer, &, s’il ne la luy monstroyt, il estimeroyt qu’il auroyt controuvé ceste mensonge pour séparer l’amityé de luy & de sa femme. Le Varlet l’asseura qu’il luy feroyt veoir ce qu’il luy disoyt, & ung matin, si tost que le Président fut allé à la Court & Nicolas entré en la chambre, le serviteur envoia l’un de ses compaignons mander à son Maistre qu’il povoyt bien venir, & se tint tousjours à la porte pour guetter que Nicolas ne saillist.

Le Président, si tost qu’il veid le signe que luy feyt ung de ses serviteurs, faingnant se trouver mal, laissa la Court & s’en alla hastivement en sa maison, où il trouva son viel serviteur à la porte de la chambre, l’asseurant pour vray que Nicolas estoyt dedans, qui ne faisoyt guères que d’entrer.

Le Seigneur luy dist : « Ne bouge de ceste porte, car tu sçays bien qu’il n’y a autre entrée ne yssue en ma chambre que ceste cy, sinon ung petit cabinet duquel moy seul porte la clef. »

Le Président entra en la chambre & trouva sa femme & Nicolas couchez ensemble, lequel en chemise se gecta à ses piedz & luy demanda pardon ; sa femme de l’aultre costé se print à pleurer.

Lors dist le Président : « Combien que le cas que vous avez faict soit tel que vous povez estimer, si