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Ire NOUVELLE

Mais il ne peut si tost faire despescher sa Lettre à la Chancellerie que le Duc & la Duchesse ne fussent par le pauvre père advertiz du cas, lesquelz, pour empescher ceste grâce, envoièrent au Chancelier. Ce malheureux, voiant qu’il ne la povoit obtenir, s’enfuyt en Angleterre, & sa femme avecq luy, & plusieurs de ses parens. Mais, avant partir, dist au meurdrier, qui à sa requeste avoit faict le coup, qu’il avoit veu Lectres expresses du Roy pour le prendre & faire mourir, mais, à cause des services qu’il luy avoit faictz, il luy vouloit saulver la vie, & luy donna dix escuz pour s’en aller hors du Royaulme, ce qu’il feit, & oncques puis ne fut trouvé.

Ce meurdre icy fut si bien parvériffié par les serviteurs du trespassé, que par la Chamberière, qui s’estoit retirée aux Jacobins, & par les oz qui furent trouvez dedans le mortier, que le procès fut faict & parfaict en l’absence de Sainct-Aignan & de sa femme. Ils furent jugés par contumace & condemnez tous deux à la mort, leurs biens confisquez au Prince, & quinze cens escuz au père pour les fraiz du procès.

Le dict Sainct-Aignan, estant en Angleterre, voiant que par la Justice il estoit mort en France, feit tant, par son service envers plusieurs grands Seigneurs & par la faveur des parents de sa femme, que le Roy d’Angleterre feit requeste au Roy de