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INTERROGATOIRES

suivra automatiquement. À l’heure du déjeuner mes justiciers partent enfin, sans avoir rien décidé, et j’apprends par le « chaouich » que tous les prisonniers sont nourris par leur famille. Hélas ! la mienne ignore où j’en suis (heureusement) et puis c’est un peu loin…

D’ailleurs je n’ai pas faim. J’ai la gorge serrée et l’estomac clos. Ce drame, qui, je l’espère sans cesse, va finir, me terrifie malgré tout. Les prisonniers en général ne moisissent pas en prison. Ils sont vite jugés, après deux ou trois jours au maximum, et c’est un va-et-vient incessant.

En matière pénale, on applique la vieille loi coranique. Le meurtre entraîne la mort ; la tête est tranchée pour un crime ordinaire ; pour l’adultère, crime plus grave, la mort avec supplice ; le vol entraîne la perte d’un seul ou de deux membres, main droite ou pied gauche, ou inversement, selon la gravité du cas.

Au cours de l’interrogatoire, à la fin de l’après-midi, les visages, d’impassibles qu’ils étaient, deviennent menaçants.

Et tout à coup, brusquement, Jaber Effendi s’écrie :

— Toutes tes paroles et tes écrits sont des mensonges, c’est toi qui a tué Soleiman pour épouser le jeune Maigret.

— C’est de la folle. Je le connais à peine. Les Français ne sont pas comme vous, il leur faut longtemps, des mois de conversation avec quelqu’un pour l’aimer, et du temps aussi avant de l’épouser.

Jaber Effendi remue négativement la tête.

Mais comment faire comprendre nos mœurs à des êtres qui se marient avec des femmes de douze ans et qu’ils n’ont jamais vues ? J’ai beau expliquer