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obéit aussi ; de plus la terre de Vastacius ou Vatace, dont le fils, appelé Astar, du nom de son aïeul maternel, ne reconnaît point les Tartares. Depuis l’embouchure du Tanaïs, tirant vers l’occident jusqu’au Danube, tout est sujet aux Tartares, et même au delà du Danube vers Constantinople. La Valachie, qui est le pays d’Assan, et toute la Bulgarie jusqu’à Solinia leur payent tribut. Ces années passées, outre le tribut ordinaire, ils ont pris de chaque feu une hache et tout le blé qu’ils ont pu trouver. Nous arrivâmes donc à Soldaïa le 21 mai, où étaient venus avant nous certains marchands de Constantinople, qui avaient fait courir le bruit que des ambassadeurs de la Terre Sainte, qui allaient vers le Tartare Sartach, y devaient bientôt venir ; et toutefois j’avais dit publiquement à Constantinople, prêchant dans l’église de Sainte-Sophie, que je n’étais envoyé ni par Votre Majesté[1] ni par aucun autre prince, mais que seulement je m’en allais de moi-même prêcher la foi à ces infidèles, suivant les statuts de notre ordre. Quand je fus donc arrivé là, ces marchands m’avertirent de parler discrètement, parce qu’ils avaient dit que j’étais envoyé vers eux, et que je me gardasse bien de me désavouer pour tel, car autrement on ne me laisserait pas passer. Je dis donc à ceux qui y commandaient en l’absence des chefs (qui étaient allés porter le tribut à Baatu et n’étaient pas de retour), que nous avions entendu dire en la Terre Sainte de Sartach, leur seigneur, qu’il était chrétien, dont tous les chrétiens de delà s’étaient grandement réjouis, et surtout le très chrétien roi de France, qui était en pèlerinage en ces pays-là et combattait contre les Sarrasins et infidèles, pour leur ôter les Saints Lieux d’entre les mains. Que pour moi, mon intention était d’aller vers Sartach et lui porter des lettres du roi mon seigneur, par lesquelles il lui donnait avis de tout ce qui concernait le bien du christianisme. Ils nous reçurent fort

  1. C’est pendant le cours de la première croisade que saint Louis confia à Rubruquis la mission qui fait l’objet de la présente relation.