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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

CAROLINE.

C’est, je l’avoue, une ressource pour les pauvres ; mais ce n’en est pas assez pour me satisfaire pleinement ; car ils sont laissés à la merci des riches ; et si ceux-ci ne voulaient pas les employer, les pauvres mourraient de faim.

MADAME B.

Il est vrai ; mais que feraient les riches privés de leur secours ?

CAROLINE.

Leur richesse leur fournirait en abondance des moyens de subsistance.

MADAME B.

Au commencement cela pourrait être ; mais à la longue, cette richesse serait consommée. Leurs récoltes et leurs bestiaux seraient mangés ; leurs habits s’useraient, et leurs maisons tomberaient en décadence.

CAROLINE.

Mais les récoltes se renouvellent d’année en année ; on achète de nouveaux habits et l’on répare ou l’on reconstruit les maisons : les riches obtiennent aisément tout ce qu’ils désirent.

MADAME B.

Mais qui produit les récoltes ? Qui fabrique les habits neufs ? Qui bâtit les maisons ? Ce sont les hommes pauvres. Sans leur aide, chacun ne pourrait dépenser que ce qu’il possède actuellement ; et quand cette dépense serait faite, il ne resterait plus rien.

CAROLINE.

Vous avez raison ; c’est là une idée qui m’a souvent inquiétée dans mon enfance. Je croyais que mon père s’appauvrissait en proportion de la dépense qu’il faisait ; mais aujourd’hui je comprends que la richesse est reproduite par le travail du pauvre, et que c’est de là que naît un revenu annuel.

MADAME B.

Si la valeur produite par l’ouvrier surpasse ce qu’il a consommé, l’excès constitue le revenu de celui qui l’emploie ; et je vous prie