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SUR L’ÉCONOMIE POLITIQUE

dant que je calcule mes moyens et que je cherche à me tirer d’affaire de mon mieux, arrive le collecteur pour la taxe des pauvres ; il faut payer, et lorsque je me plains, on me répond qu’outre ces nombreuses familles qu’il faut soutenir, il y a je ne sais combien de garçons sans ouvrage que la paroisse entretient. De pareilles raisons me mettent en colère, et je leur dis : « Vous allez les maintenir dans la paresse avec cet argent, qui serait leur salaire s’ils travaillaient pour moi. » On me répond alors qu’ils sont tout prêts à travailler pour moi. « Eh bien ! laissez-moi donc mon argent pour les payer ! — Oh ! vous savez bien, me dit le collecteur, que je dois faire ma collecte ; ensuite vous prendrez tous les arrangements qui vous conviendront, cela ne me regarde pas. — Que puis-je donc faire, lorsqu’en emportant mon argent, vous m’ôtez tous mes moyens ? Si j’étais seul à parler ainsi ! mais tous ceux qui paient la taxe vous en diront autant, et cela chaque année régulièrement. »

— Vous calculez mal, objecta Hopkins, en prétendant que payer la taxe est toute perte pour vous ; je vous dirai, moi, que si nous n’étions pas aidés par cette taxe, les fermiers seraient obligés d’augmenter nos gages, autrement nous mourrions de faim, et je voudrais savoir alors qui ferait notre ouvrage ?

— Je ne demanderais pas mieux, Hopkins, que d’avoir des ouvriers et de les payer, si toutefois je pouvais me débarrasser de cette taxe des pauvres ; car ce serait échanger mon argent contre du travail, tandis que maintenant je n’obtiens rien en retour ; il ne sert qu’à entretenir des vagabonds, qui ne trouvent pas d’ouvrage parce qu’ils n’en cherchent pas ou qu’ils sont mauvais ouvriers. Ce sont des fainéants qui vivent dans la paresse, tandis que l’argent qu’on leur donne pourrait être employé à faire travailler d’honnêtes familles laborieuses, qui se suffiraient à elles-mêmes et n’auraient pas besoin des secours de la paroisse.

— Pour moi, dit John, je ne demande qu’à gagner de quoi entretenir ma famille, et je vous promets qu’on ne me verra plus m’adresser à la paroisse.

— Vous avez beaucoup d’enfants, John, et vous sentez bien que je paie mes ouvriers sans avoir égard au nombre de leurs enfants : c’est leur affaire, et non pas la mienne.

— Alors la taxe des pauvres doit faire le reste, murmura madame Hopkins ; car les mères ne peuvent voir leurs enfants exténués