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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

vision ; et que le troisième verra ses flèches acérées tournées contre son propre sein ? Voilà où viendraient aboutir toutes les tentatives faites en vue d’obtenir de nouveaux biens et de nouveaux progrès. Qui entreprendra de travailler pour se procurer des possessions si précaires, qui exposent à des dangers et ne donnent aucune jouissance assurée ?

CAROLINE.

Mais tous ces maux seraient prévenus si l’on faisait des lois pour protéger la propriété.

MADAME B.

Il est vrai ; mais le droit de propriété doit être légalement établi, avant d’être protégé. Car la nature a donné aux hommes tous les biens en commun, et la propriété est d’institution humaine. Elle s’établit de si bonne heure au sein de la société, que l’on est tenté de croire que son origine est dans la nature même ; mais jusqu’à ce qu’elle ait été établie par la loi, nul homme n’a eu le droit d’appeler une chose sienne.

CAROLINE.

Quoi ! pas même le gibier qu’il a tué de sa main, la hutte qu’il a bâtie, les instruments qu’il a construits pour son usage ? On peut sans doute l’en dépouiller de force ; mais celui qui les lui enlève n’acquiert sur ces choses-là aucun droit.

MADAME B.

Quand un homme a produit quelque chose par son travail, il a sans contredit, d’après les principes de l’équité, une prétention bien fondée à en jouir ; mais son droit de retirer cette chose du fonds commun, pour l’approprier exclusivement à son usage, se fonde entièrement sur la loi du pays.

S’il s’agit, par exemple, de la propriété du sol, c’est la loi qui prononce que telle pièce de terre appartient à Thomas, telle autre à Jean, telle autre encore à Jacques ; que chacun d’eux aura un droit exclusif à la possession de sa terre et des produits qu’elle donnera ; qu’il peut la garder, l’échanger ou la vendre : s’en défaire de son vivant, ou la transmettre à un héritier. Et pour que cette loi soit respectée, on prononce des peines contre ceux qui l’enfreignent. Ce n’est qu’à l’époque où de telles lois ont été faites