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SUR L’ÉCONOMIE POLITIQUE

» Cette diligence extraordinaire était très-avantageuse, mais pourtant Ventosus ne promettait pas d’être aussi utile à la colonie que son frère. Il transportait les objets avec une rapidité étonnante, mais toujours selon son caprice ; en sorte qu’il fallait savoir vers quel lieu il lui plaisait diriger sa course avant de rien lui confier ; il lui arrivait souvent même de changer de direction avec l’inconstance et la légèreté d’une girouette, de manière que les marchandises dont il était chargé, au lieu d’atteindre le lieu de leur destination, arrivaient fréquemment où on ne les attendait pas, ou bien revenaient chez celui qui les avait expédiées. Un autre de ses inconvénients c’est que Ventosus disparaissait tout à coup au moment où l’on avait besoin de lui.

« La présence des deux géants avait tellement amélioré le sort de la petite colonie, que chaque colon possédait non-seulement une jolie maison commodément bâtie, mais encore des meubles élégants et un grand nombre d’objets de goût exécutés par leurs femmes, qui, depuis qu’elles n’avaient plus à s’occuper des gros ouvrages, avaient acquis beaucoup d’adresse.

» Vous devez comprendre aisément quel désir les habitants avaient de découvrir quelque nouveau géant.

» Aquafluens répondit un jour à leurs questions multipliées, qu’il avait un fils qui avait demeuré dans l’île : « Mais, ajouta-t-il, il y a longtemps qu’il m’a quitté et que je n’ai eu aucune nouvelle de lui. Sa mère était de la famille des Salamandres, et il a toujours préféré sa parenté à la mienne ; aussi un jour d’été qu’il prenait un bain au soleil, il partit, et je ne l’ai pas revu.

— Alors nous avons peu de chances de le rencontrer, » dit un des colons. Mais Watson, qui était un homme entreprenant et courageux, ayant de nouveau questionné le géant, apprit qu’il n’était pas impossible que son fils se trouvât encore dans l’île : « Il s’amusait souvent, lui dit-il, à se baigner dans un ruisseau d’eau chaude qui coule au fond d’une vallée à l’autre extrémité de l’île, dans un lieu peu fréquenté. Le fait est, ajouta-t-il, qu’il a le tempérament de sa mère et ne peut vivre que dans un pays chaud. Ces eaux sont brûlantes, et cependant elles ne font qu’augmenter sa vigueur. »

» Watson lui demanda s’il le croyait bon ouvrier.

« Je ne puis en parler que par ouï-dire, reprit le géant ; mais si ce qu’on dit est vrai, il ferait plus d’ouvrage à lui seul que nous n’en