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CONTES POPULAIRES

qu’il me plaît, et je ne suis pas d’autre volonté que la mienne.

— Ce géant n’est pas aussi traitable que l’autre, pensa Jackson, mais il est encore plus puissant ; aussi je dois le soigner de mon mieux ; » et il se mit immédiatement à lui construire une maison sur le haut de la colline pour y moudre son blé. Pendant ce temps, Ventosus descendit dans la vallée pour voir son frère.

» Il le trouva occupé à transporter des planches qu’il venait de scier. Les deux géants s’embrassèrent, et Ventosus, étant de bonne humeur, dit à son frère de permettre qu’il l’aidât :

« De ce pas si lent vous n’arriverez jamais.

— Si lent ! répétèrent les enfants perchés sur les planches que portait le géant ; pas un homme ne pourrait faire le quart du chemin qu’il fait dans une heure !

— Cela se peut, reprit Ventosus, mais nous ne sommes pas des pygmées comme vous autres. » Disant cela, il s’assit à côté des enfants, étendit ses ailes, et partit avec une vitesse qui d’abord les effraya ; mais n’apercevant aucun danger, ils s’amusèrent beaucoup de cette course rapide. Lorsqu’ils furent arrivés et que le bois fut déchargé. Aquafluens pria son frère de l’aider encore.

« Non, répondit Ventosus, j’ai affaire ailleurs ; venez avec moi, si cela vous plaît, sinon bonjour. »

» Aquafluens trouva cette réponse malhonnête ; il s’en plaignit, son frère répliqua ; ils se querellèrent, luttèrent ensemble ; puis Ventosus se prit à hurler plus fort qu’une bête sauvage, et Aquafluens à écumer de rage. Les pauvres enfants se tenaient à l’écart, ne reconnaissant plus leur bon ami, tant il était défiguré par la colère ; il semblait vouloir les engloutir. Ventosus se dégagea enfin des bras de son frère et disparut, mais longtemps encore on entendit ses soupirs et ses gémissements.

» Aquafluens, après s’être un peu lamenté des mauvais traitements de son frère, se calma peu à peu, reprit les enfants sur son dos, et retourna tranquillement à la maison.

» Jackson vint s’informer de Ventosus, et quand un des enfants lui eut raconté ce qui s’était passé, il commença à désespérer de le revoir ; ce dont il était d’autant plus désappointé ; qu’il lui avait préparé beaucoup d’ouvrage : cependant il arriva le soir même, et le lendemain matin, lorsque Jackson se leva, il trouva qu’il avait déjà moulu plus de la moitié de son blé.