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SUR L’ÉCONOMIE POLITIQUE

» Les colons cherchèrent longtemps inutilement ; mais un jour l’un d’eux, nommé Jackson, étant monté sur un rocher à la poursuite d’une chèvre, aperçut une belle figure fixée sur le sommet. Au premier moment il put à peine en distinguer la forme, tant ses yeux étaient éblouis par l’éclat qu’elle répandait ; mais ce qui le frappa le plus furent deux ailes énormes, aussi légères et transparentes que celles d’un moucheron, et aussi grandes que les voiles d’un vaisseau.

» Jackson ne douta pas que ce ne fût là le frère d’Aquafluens : il hésitait à s’approcher de lui, craignant l’irritabilité de son caractère, lorsque le géant se mit à sourire ; ce qui le rassura tout à fait ; alors il l’aborda, et lui demanda qui il était et s’il voulait s’engager à son service.

« Mon nom est Ventosus, cria le géant ailé, et je suis prêt à travailler pour vous, si vous me promettez de ne pas me contrarier. Je n’ai pas les dispositions rampantes de mon frère, qui voyage laborieusement toujours dans les mêmes lieux. Je ne puis m’empêcher quelquefois de rire de sa démarche lente, et je m’amuse à le mettre en colère, afin de le voir se hâter un peu ; je lui prête fréquemment mon aide quand il est chargé d’un lourd fardeau ; je m’assieds sur son sein, j’étends mes ailes et je marche si rapidement que je l’enlève presque de terre. »

» Jackson, très-surpris d’entendre Aquafluens accusé de paresse, raconta à Ventosus la prodigieuse quantité d’ouvrage qu’il avait fait pour la colonie.

« Comparé à moi, c’est un escargot, » lui cria Ventosus, qui quelquefois élevait la voix d’une manière effrayante ; et pour lui montrer la rapidité de sa course, il déploya ses ailes et disparut.

» Jackson craignit de ne pas le revoir, mais il revint bientôt, et consentit à l’accompagner chez lui, à condition qu’il l’établirait dans un lieu élevé.

» Ma maison, dit Jackson, est bâtie sur une colline, je vous placerai à la cime.

— C’est bon, répondit le géant ; si vous pouvez me procurer une couple de meules, je moudrai du blé dans une heure autant qu’Aquafluens dans deux. Je travaille, comme mon frère, pour rien, et je n’ai pas besoin de manger, mais j’ai l’humeur indépendante et ne puis pas souffrir d’être enfermé ; je travaille seulement lors-