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CONTES POPULAIRES

d’un air joyeux. Monsieur l’intendant du château est venu pour te payer ta semaine, et, regarde, il m’a donné cet argent, parce que, à ce qu’il dit, on vient de faire une nouvelle loi qui double le salaire des ouvriers. »

John remercia, en lui-même, la fée, de la promptitude avec laquelle elle avait exaucé ses vœux. La bonne nouvelle se répandit bientôt dans tout le village, et la joie devint générale.

Hopkins résolut de s’accorder un peu de récréation ; et le lendemain étant jour de marché, au lieu d’envoyer sa femme à la ville, il lui proposa de s’y rendre lui-même, parce qu’il voulait employer une partie de son argent à acheter des habits à ses enfants couverts de haillons. Sa femme y consentit à condition qu’il se chargerait d’un panier de prunes et d’un paquet de tresses de paille, qu’une de ses filles avait préparées pour être vendues au marché.

Il partit donc, et sa joie fut grande en apprenant que les prunes et les tresses de paille avaient considérablement haussé de prix. Il ne se doutait guère qu’il en était la cause ; mais ayant été aux informations, on lui dit que la condition de la classe ouvrière s’étant améliorée par l’augmentation des salaires, le débit des chapeaux de paille s’était beaucoup accru ; chacun pouvait et voulait en acheter, et de là venait la hausse produite tout à coup dans le prix des tresses qui servent à faire ces chapeaux.

« Et les prunes, demanda John au marchand de fruits, d’où vient que leur prix s’est élevé ?

— C’est que je n’en ai plus ; ce matin j’en avais un beau choix, mais il est venu un si grand nombre de petits gamins avec leurs deux sous pour en acheter, qu’à neuf heures je les avais déjà toutes vendues ; et cela se comprend : maintenant que le père gagne le double de ce qu’il gagnait hier, comment refuserait-il à ses enfants quelques sous pour acheter du fruit ? J’ai commencé par vendre mes prunes deux sous la livre ; mais quand j’ai vu qu’il ne m’en resterait pas pour finir ma journée, je les ai mises à trois. Quant à votre panier, Hopkins, je vous le paierai à raison de deux sous la livre.

John, sans trop bien comprendre ses explications, remercia le marchand, et se dit en lui-même :

« Il paraît que j’ai enfin trouvé le remède à nos maux, et pour cette fois la baguette de la fée n’a produit que des bienfaits. »