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l’usage. Il y avait pourtant des occasions où ils abandonnaient la pique pour se servir de l’épée, qui était toujours chez les Romains l’arme dans laquelle ils mettaient leur principale confiance. »

Ad cujus factum. Parmi les commentateurs, les uns se sont déclarés pour jactum, les autres pour ictum, que l’on trouve aussi dans les manuscrits ; et ils ont tous donné des raisons fort savantes. Il ne nous appartient pas de nous prononcer dans ce grand débat, et nous osons à peine insinuer que nous penchons pour jactum.

Ferro triangulo unciarum quinque. Il n’est peut-être pas inutile de remarquer que triangulo manque dans quelques manuscrits.

Prima acies principum. Voy. la neuvième note du chap. 20 du premier livre.

Exculcatores. Il paraît certain qu’il ne faut lire ni auxiliatores, comme dans plusieurs éditions, ni exsultatores, comme le proposait Oudendorp ; mais il l’est moins qu’on doive lire exculcatores. Nous aimerions mieux sculcatores, comme au ch. 17, ou scultatores (Voy. Léon, Tact. IV, 24 ; XII, 120). C’étaient, autant qu’on en peut juger, des espèces d’éclaireurs.

Ad fundas vel fustibalos lapides faciebant. C’était une locution alors usitée pour fundis, fustibalis lapides facere. Voy. plus bas des exemples analogues (II, 23 ; III, 4, 23, 24 ; IV, 8, 18).

Manuballistas… arcuballistas. Voy. plus bas (IV, 22).

Obtinebat. On lit dans la plupart des manuscrits, obtinet. Ces simples différences dans les temps des verbes jettent une grande confusion dans le texte de Végèce, et n’ont pas peu contribué à l’accusation qui pèse sur lui, d’avoir confondu toutes les époques dans ses Institutions.

CHAPITRE XVI.

Turpin de Crissé, dans son Commentaire, a joint ce chapitre au précédent. Voy. le chap. 15.

Triarii cum scutis, calaphractis, et galeis. « La position des triaires et leur armure concouraient à les garantir de toutes les armes de trait ou de jet qui auraient pu parvenir jusqu’à eux, parce qu’ayant un genou en terre et le corps pour ainsi dire ramassé sur lui-même, leur bouclier, long de quatre pieds et large de deux, les couvrait tout entiers ; de sorte que, quand l’ennemi eût poussé les deux premières lignes jusqu’aux intervalles de la troisième, les triaires étaient en état de le repousser. Toujours fermes, serrés et bien ordonnés, ils avaient un avantage considérable sur une troupe nécessairement ébranlée, souvent même désordonnée par des mouvements irréguliers, inséparables de la poursuite. D’ailleurs, en faisant front à l’ennemi, ils donnaient le temps aux deux premières lignes de se raffermir dans les intervalles, et d’y livrer un nouveau combat de concert avec la troisième ligne. Pendant ce temps-là, les armés à la légère harcelaient l’ennemi à coups de traits, de la queue ou des flancs où ils s’étaient retirés, soit par les intervalles directs, soit par les transversaux. Cette ordonnance, je ne puis trop le répéter, était, ce me semble, d’une supériorité démontrée, qui mériterait bien d’être réfléchie par les militaires qui se trouvent à portée de se la ménager. »

Subsidebant. C’était l’expression propre en parlant des triaires dans cette position : il ne faut donc pas lire obsidebant. Varron l’a aussi employée dans le passage suivant (De ling. lat., IV, p. m. 24) : Triarii quoque dicti, quod in acie tertio ordine extremis subsidio deponebantur. Quod hi subsidebant, ab eo subsidium dictum. A quo Plautus : Agite nunc, subsidite omnes, quasi solent triarii.

Si prima acies vinceretur. Oudendorp a cité, en la recommandant, cette leçon d’un manuscrit : primæ acies vincerentur.

Reperiri victoria. Des manuscrits portent reparari ; d’autres, sperari ; d’autres encore, sperare victoriam ; leçons qui ne sont pas à dédaigner. Mais Schwchelius tient à reperiri, qui, avec reparata pugna, produit, dit-il, cette belle figure de rhétorique que les Grecs ont appelés paronomase ; et il ne faut pas enlever à Végèce, qui n’a pas beaucoup de ces richesses-là, une aussi belle figure de rhétorique.

Ursinis pellibus. En conservant ursinis au lieu de hirsutis, qu’on trouve dans quelques manuscrits, c’est-à-dire, en couvrant les casques de peaux d’ours plutôt que d’autres bêtes fauves, et en prenant ainsi l’espèce pour le genre, on maintient ici, à la grande joie d’Oudendorp, une synecdoque, autre figure de rhétorique ; et il ne faut pas faire tort à Végèce d’une synecdoque.

CHAPITRE XVII.

L’usage des Romains était de faire commencer le combat par les légèrement armés. Pour cet effet, ils les plaçaient presque toujours en avant de la première ligue, formée par les hastats. Lorsque l’armée était à une certaine distance de celle de l’ennemi, les vélites s’avançaient, et lançaient sur lui des pierres, des flèches, des dards et des demi-javelots. Ce n’était pas dans l’espérance que ces vélites pussent battre l’ennemi et le mettre en fuite, ainsi que le fait entendre Végèce : il aurait été absurde d’imaginer que trois ou quatre mille hommes qui ne combattaient qu’avec des armes de jet, qui ne s’approchaient jamais de l’ennemi, qui même reculaient toujours vers leur armée à mesure que l’ennemi s’avançait, lui eussent pu inspirer assez de terreur pour le forcer à fuir sans rendre aucun combat ; mais leur objet était d’éclaircir les rangs de l’ennemi, d’y mettre de la confusion, de faire essuyer à leurs troupes légères ses premiers coups et sa première vigueur ; enfin, de le fatiguer par cette attaque ; et quoiqu’elle ne fût ni inquiétante ni dangereuse, cependant ils en espéraient que les hastats le trouveraient, si ce n’est fatigué, du moins dépourvu d’une partie de ses armes de jet. Voilà, je pense, la véritable raison que les Romains avaient pour faire commencer le combat par leurs légèremeut armés. — Pendant cette attaque, qui se faisait assez éloignée de la première ligne de l’armée, celle-ci, ainsi que les deux autres, restait immobile. Les deux premières lignes étaient debout, disposées comme je l’ai dit précédemment ; et la troisième, composée des triaires, était un genou en terre et baissée, chaque soldat couvert de son bouclier. — Les vélites passés par les intervalles des trois lignes des pesamment armés, et retirés derrière les triaires, les hastats s’ébranlaient, marchaient à l’ennemi, et successivement les princes et les triaires. Cette première ligne lançait d’abord le javelot, puis le demi-javelot, ensuite les flèches plombées ; elle mettait après l’épée à la main, et chargeait l’ennemi avec la plus grande impétuosité. Pendant ce combat, la seconde ligne était derrière pour soutenir la première, et empêcher les ennemis d’entrer par les intervalles, et de les prendre en flanc ; mais la troisième reprenait sa première position, c’est-à-dire qu’elle mettait un genou en terre, et était à couvert derrière ses boucliers. Si l’attaque des hastats réussissait, et que l’ennemi fût rompu et plié, on abandonnait sa poursuite aux vélites et à la cavalerie légère des alliés, soutenus de la cavalerie légionnaire et de celle pesante des alliés ; et les trois lignes des pesamment armés les soutenaient en marchant, mais d’un pas mesuré et en ordre. C’est ce qu’on doit entendre par le texte de Végèce, « qu’ils demeuraient ferme, de peur de se rompre, et que l’ennemi, revenant tout à coup sur eux, ne profitât de leur désordre. » Il ne veut pas dire qu’ils restaient immobiles, dans la crainte de se rompre ; mais qu’ils marchaient dans leur ordre primitif et d’un pas ordinaire, pour être toujours à portée de protéger et de soute-