Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/750

Cette page n’a pas encore été corrigée

était forcé de prendre ceux qui voulaient bien se présenter ; et cette disette d’hommes taisait qu’on s’attachait moins à la taille que du temps des consuls, où le peuple se présentait de bonne volonté, lorsqu’on le convoquait pour lever la milice.

Proceritatem tironum ad incommam scio semper exactam. Les manuscrits présentent ici quelques différences : on lit dans les uns : proceritatem tironum ad incommam a consule Mario scio, etc. ; dans les autres : ad incommoda. Mais les savants sont généralement d’accord pour regarder les mots a consule Mario comme une glose, et pour préférer ad incommam (mesure au moyen de laquelle, suivant Isidore, on vérifiait la taille des soldats). Toutefois Oudendorp lisait ad incommata, mot auquel il fait signifier les marques faites sur cette mesure. Voy., pour plus d’éclaircissement, Reinesius (Var. lect., II, 16), Barthius (Adver., XXVIII, 19), Cassiodore (Var. Ep., V, 21), Saumaise (ad Lamprid., p. 199).

Senos pedes.... habentes…, probarentur. Des manuscrits suppriment habentes, que d’autres remplacent par habere ; et Oudendorp propose de lire : VI. pedes vel certe V. et X. unciæ inter alares, etc… probarentur.

Non tam staturæ rationem convenit habere, quam viritum. « Sallusle écrit qu’on a longtemps agité lequel était le plus avantageux à la guerre, de la force ou de la valeur. Depuis que les armes à feu ont prévalu sur les armes blanches, la prétendue supériorité de forces attachée à la grande taille devient inutile, et l’avantage de la petite est démontré. En effet, un homme de six pieds de haut, sur deux pieds et demi de large, présente quinze pieds de superficie à l’ennemi, au lieu qu’un homme de cinq pieds de haut, sur deux de large, n’en présente que dix ; et que celui de quatre pieds et demi de haut, sur un pied et demi de large, n’eu présente pas sept. D’où il résulte que, bien loin de rechercher, comme on fait, la plus grande taille pour des soldats destinés à tirer, il faudrait rechercher la plus petite. Mais la démonstration ne tiendra pas vraisemblablement contre la manie qu’on a des grands hommes. »

Fortiorem armis. Quelques éditions portent animis ; leçon qui est peut-être préférable à la nôtre.

CHAPITRE VI.

Végèce donne des préceptes vagues et très-incertains sur le choix du soldat. Des yeux vifs, l’arrangement des traits du visage, et la belle conformation des membres, ne sont pas des preuves certaines qu’un homme est plus propre à la guerre qu’un autre qui n’aura pas ces qualités extérieures. Il est cependant vrai qu’un homme bien proportionné doit avoir de la forte, être plus libre dans ses membres et plus adroit qu’un homme mal fait. Quels que soient ces avantages, ils ne sont cependant qu’un préjugé en faveur du nouveau soldat ; mais ils ne prouvent ni son intelligence, ni son courage. — Une qualité bien essentielle qu’il faut chercher dans le nouveau soldat, outre la force et le tempérament, c’est la bonne volonté ; sans elle, le soldat est un corps sans âme, ses foi ces ne sont point agissantes, et si elles le sont, ce n’est que par la crainte des châtiments.

Implere valeant bellatores. On lit dans quelques éditions implere valeant officium bellatoris ; mais notre leçon, plus concise, a exactement le même sens. Velléius Paterculus a dit (II, 95) : Paullus vix posset implere censorem.

Ventre modicus. « Caton le Censeur regardait un soldat dont le ventre était trop grand comme un fardeau mutile à la république ; sur ce principe, il punissait tout chevalier trop gras et trop pesant, en le privant de son cheval. — Strabon nous apprend que les Gaulois prenaient beaucoup d’exercice, dans la crainte de devenir trop ventrus ; et tout jeune homme dont le ventre excédait la mesure déterminée par une ceinture faite exprès, était châtié. » — Voy. les notes de Stewechius.

Exilior cruribus, suris et pedibus. Deux manuscrits et l’édition Princeps portent clunibus ; un autre, ventre modico, exilioribus cruribus et pedibus ; un autre encore, exilior sive expeditus cruribus ; un troisième, clunibus, suris ex pedibus ; on quatrième enfin, clunibus suris expeditus. Il est difficile de faire un bon choix parmi toutes ces leçons suspectes, et de décider si c’étaient les jambes, ou les fesses, ou les pieds de leurs soldats que les Romains voulaient voir menus.

CHAPITRE VII.

Turpin de Crissé, au lieu d’un commentaire sur ce chapitre de Végèce, a fait une critique de certains usages de son temps, où se révèlent surtout, comme dans beaucoup d’autres endroits de son livre, ses préjugés aristocratiques. Nous n’avons donc rien à prendre là.

Cervorum aprorumque venatores. « Ce n’est pas sans raison qu’on appelle la chasse l’image de la guerre, pour un militaire qui chasserait comme l’indique Végèce, ou comme le pratiquaient Sertorius et Philopœmen ; car c’était à la chasse que ces deux grands capitaines s’étaient rendu familiers la science du coup d’œil, l’art de conduire une armée par les chemins les plus difficiles, de se poster avec avantage, de fondre promptement sur l’ennemi, de lui échapper de même, etc. — On voit, dans la Cyropédie et dans Jules Capitolin, que Cyrus et l’empereur Maximin non-seulement s’exerçaient à la chasse, mais y exerçaient même leurs troupes, dans l’idée de les rendre plus propres à la guerre. »

Et hoc est, in quo totius reipublicæ salus vertibur. Oudendorp a tiré de quelques manuscrits une leçon qui nous semble meilleure : in hoc totius reip. salus vertitur.

Nec leve hoc officium putetur. « Dans les beaux jours de la république romaine, ou n’admettait aux légions que des jeunes gens de condition libre ; les autres combattaient séparément, et l’on avait une attention si scrupuleuse là-dessus, que lorsque les besoins de l’État exigeaient qu’on se servit d’esclaves pour légionnaires, on leur rendait auparavant la liberté (Florus, II, 6 ; Tite-Live, XXXI). Cette espèce de fraude qu’on faisait à la loi devint plus commune dans la seconde guerre punique, où le dictateur Marcus Junius offrit la grâce à tous les criminels qui voudraient porter les armes contre Annibal. Marius, dans la guerre civile contre Sylla, n’eut plus d’égard à la naissance, et reçut dans son parti tous ceux qui voulurent bien y entrer ; la plupart étaient des scélérats condamnés à mort. Cet exemple, pernicieux pour la discipline, fut suivi par Pompée, et ne devint que trop commun sous les empereurs : rien ne prouve plus l’infraction des lois que leur renouvellement ; on le trouve dans les ordonnances de Gratien, Valentinien et Théodose, qui défendaient qu’on admit à la milice personne qui ne fût de condition libre et de bonnes mœurs. — On voit aussi par une lettre de Pline à Trajan, et par la réponse de cet empereur, qu’il fallait pourvoir à l’abus des levées en punissant tous ceux qui y participaient ; tels étaient les officiers qui enrôlaient, au lieu d’hommes libres, des esclaves ; des maîtres qui présentaient les leurs à la place des hommes libres qu’ils devaient fournir ; les esclaves eux mêmes qui se précipitaient aux enrôlements. — A l’égard de ce choix scrupuleux dont parle ici Végèce, aucun général romain ne l’a porté aussi loin, avant Sertorius, que Caton l’Ancien. Il demandait qu’un homme de guerre fût non-seulement dangereux pour les coups de main, mais qu’il eût un regard et un ton de voix propres à effrayer l’ennemi : « Je ne veux point, disait-il, d’un soldat qui remue les mains en marchant et les pieds en combattant, qui ronfle plus