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mener au combat une troupe harassée d’une marche, ni une cavalerie fatiguée d’une course ; elles auraient trop perdu de leurs forces. De quoi serait capable un soldat tout hors d’haleine ? Nos anciens évitaient cet inconvénient ; et c’est pour y être tombé (je ne dirai rien de plus) que quelques généraux, d’un temps plus près de nous, et du nôtre même, ont perdu leur armée ; car la partie n’est pas égale entre deux soldats dont l’un est las et l’autre reposé, dont l’un est épuisé de sueur et l’autre frais, dont l’un vient de courir et l’autre n’a pas bougé de place.

chapitre xii.
Qu’il faut sonder les dispositions des soldats avant que de combattre.

Au jour même du combat cherchez soigneusement à connaître ce que pensent tous vos soldats : leur air, leurs propos, leur démarche, leurs mouvements, vous indiqueront leur confiance ou leurs craintes. Si les nouveaux demandent à combattre, ne vous fiez pas à cette ardeur ; car l’idée d’une action est agréable à des gens qui n’en ont point vu. Pour les vieux soldats, s’ils témoignent de la crainte, différez la bataille. Vous pouvez cependant rassurer ceux-ci et relever leur courage, en leur prouvant, par le détail des mesures que vous avez prises, que tout leur promet une victoire facile. Représentez-leur le peu de valeur ou d’habileté de l’ennemi ; s’il a déjà été vaincu, rappelez-le-leur ; ajoutez des circonstances propres à exciter en eux la haine, la colère et l’indignation. L’approche d’un combat cause un frémissement naturel dans presque tous les hommes ; mais il est plus grand dans ces gens timides à qui le seul aspect de l’ennemi trouble le jugement. Le moyen de les rassurer est de ranger souvent votre armée en bataille, dans des dispositions d’où, sans craindre d’être attaquée, elle puisse voir aisément l’ennemi et le reconnaître. Saisissez dans l’intervalle toutes les occasions de mettre en fuite ou de tailler en pièces quelques troupes ennemies, afin que vos soldats parviennent à reconnaître aisément l’ennemi aux armes, aux chevaux, à la façon de combattre. On ne craint plus les objets les plus terribles en apparence, dès qu’on se les est rendus familiers.

chapitre xiii.
Du choix du champ de bataille.

Un bon général n’ignore pas que la victoire dépend en grande partie de la nature même du champ de bataille : il doit donc s’attacher à tirer de là sa première force. Le terrain le plus élevé est le plus avantageux : les traits lancés de haut en bas frappent avec plus de force ; le parti qui a la supériorité du lieu pousse avec plus d’impétuosité l’ennemi qui est au-dessous de lui, au lieu que ceux-ci ont à combattre et contre le terrain et contre l’ennemi. Cependant il y a une différence à faire : si vous ne comptez que sur votre infanterie contre des ennemis supérieurs en cavalerie, il faut vous poster dans des lieux difficiles, inégaux, escarpés ; mais si vous voulez faire combattre avec avantage votre cavalerie contre l’infanterie de l’ennemi, vous