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couverts les soldats de la premiere, seconde et troisième ligne, qu’on appelait princes, hastats et triaires. Ceux-ci, mettant un genou en terre au premier moment de l’action, se couvraient leurs boucliers, afin d’éviter les traits qui avaient passé les deux premières lignes ; et si le cas l’exigeait, ils se levaient, et chargeaient avec d’autant plus de force qu’ils n’étaient ni fatigués ni entamés : aussi les a-t-on vus souvent ramener la victoire, malgré la défaite des deux premières lignes. Nos anciens avaient encore une infanterie légère, qu’ils plaçaient principalement aux ailes. Elle était armée de frondes et de javelots, et composée de soldats très agiles et très disciplinés. C’était par eux que s’ouvrait le combat, mais en petites troupes, afin qu’elles pussent, en cas de nécessité, se replier sur la première ligne, qui les recevait dans ses intervalles sans se rompre. Jusqu’à notre temps, nos soldats avaient toujours porté une espèce de bonnet de peau, dit bonnet à la pannonienne, afin que l’habitude d’avoir la tête chargée en tout temps leur rendît plus léger le casque qu’ils portaient dans combat. Le javelot de l’infanterie avait à son extrémité un fer mince triangulaire, long de neuf à douze pouces. Il perçait ordinairement un bouclier sans en pouvoir être arraché, et même une cuirasse, lorsqu’il était lancé par un bras vigoureux. Ces sortes de traits ne sont presque plus d’usage chez nous, mais beaucoup chez les barbares, qui en portent au combat deux ou trois chacun. Ils les appellent bébra. Il est bon de remarquer que le soldat doit avoir le pied gauche le plus avancé, lorsqu’il veut lancer quelque arme que ce soit ; attitude qui, laissant plus de liberté pour la vibration, augmente la force du coup ; mais s’il en vient aux mains, c’est-à-dire s’il se sert du javelot et de l’épée, il doit, au contraire, avancer le pied droit, afin d’avoir le flanc couvert et le bras droit plus près de son ennemi, conséquemment plus prêt à le frapper. C’est ainsi qu’il faut employer tout l’art imaginable pour que le nouveau soldat apprenne à se servir et à se parer de toutes les armes en usage chez les anciens ; car dès qu’il ne craindra ni pour sa tête ni pour sa poitrine, il sentira nécessairement augmenter sa valeur.

chapitre xxi.
Des retranchements.

Il faut montrer aux nouveaux soldats à faire les travaux des camps. Rien n’est si nécessaire à la guerre, ni d’une si grande ressource, qu’un camp bien fortifié : c’est une espèce de ville qu’on se bâtit partout. Les retranchements sont pour les soldats des murailles dans lesquelles ils passent tranquillement les jours et les nuits, à la vue même de l’ennemi. On a laissé perdre absolument la science des retranchements ; il y a déjà longtemps qu’on n’entoure plus nos camps de fossés ni de palissades : aussi nos armées y ont été souvent maltraitées de nuit et de jour, par les attaques imprévues de la cavalerie des barbares. On éprouve encore qu’en se privant de la ressource d’un camp retranché, si propre à favoriser la retraite, les troupes qui plient se font égorger sans vengeance, comme des bêtes sous