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faisaient pleuvoir sur eux les javelots on armes de jet nommées pila, et les couvraient de blessures. On y joignit des frondeurs, qui, avec la fronde ou la fustibale, leur lançaient de grosses pierres ainsi qu’à leurs conducteurs, et les accablaient aussi sous les débris de leurs tours ; ce qui est le meilleur moyen de les combattre. Outre cela, les soldats, à rapproche de ces bêtes, ouvraient leurs rangs pour les laisser passer ; et lorsqu’elles avaient pénétré assez avant dans le corps de bataille, elles étaient aussitôt enfermées dans un cercle d’hommes bien armés ; et les maîtres de la milice les prenaient, sans les blesser, avec leurs conducteurs[1].

§ 20. Une précaution excellente, et qui contribue beaucoup à la victoire, c’est d’avoir une élite de fantassins et de cavaliers, avec des officiers suppléants, des commandants et des tribuns sans poste fixe, et de les tenir en réserve, les uns près des ailes et les autres vers le centre du corps de bataille, afin qu’en se portant vivement au secours d’une troupe qui vient à plier, et en soutenant vigoureusement le choc de l’ennemi, elles en arrêtent l’impétuosité, sans déranger l’ordre de bataille. Les Lacédémoniens inventèrent les réserves : les Carthaginois en adoptèrent l’usage, que les Romains, d’après eux, ont toujours pratiqué depuis. C’est la meilleure disposition qu’il y ait. Le corps de bataille ne doit avoir, en effet, qu’une action générale, qui consiste à repousser ou à rompre l’ennemi. Or, si l’on veut ranger une troupe en forme de coin ou de tenaille, il faut la prendre dans le corps de réserve, et non dans le corps de bataille ; car si l’on tire le soldat de son rang, on trouble tout. Dans le cas même où vous seriez inférieur en nombre, il vaut mieux avoir un corps de bataille moins nombreux et une réserve plus considérable[2].

§ 21. Si un espion des ennemis s’est glissé et rôde dans le camp, qu’il soit ordonné à tous les soldats de se retirer avant la nuit sous leurs tentes, et l’espion sera aussitôt découvert[3]. Dès que vous savez l’ennemi informé de vos projets, il convient que vous changiez vos dispositions[4] ; car il ne faut plus compter sur l’effet d’une mesure dont le secret est parvenu à la connaissance de la multitude. Délibérez, sur ce qu’il faut faire, avec plusieurs ; sur ce que vous ferez, avec un très-petit nombre et des plus fidèles, ou mieux encore avec vous-même[5].

§ 22. Tels sont, empereur invincible, les préceptes de l’art militaire disséminés dans les livres de différents auteurs, dont vous m’avez ordonné, malgré mon peu de talent, de faire un abrégé, de peur que le trop grand nombre ne causât de l’ennui, ou que le trop peu n’inspirât pas de confiance[6].

§ 23. Cette ardeur martiale qui anima les hommes de tous les temps n’est pas refroidie : elles ne sont pas épuisées, les terres qui ont produit les Lacédémoniens, les Athéniens, les Marges, les Samnites, les Pélignes, et surtout les Romains. Les Épirotes n’ont-ils pas été autrefois d’excellents soldats ? Les Macédoniens, les Thessaliens, n’ont-ils pas vaincu les Perses, et pénétré, en combattant, jusqu’à l’Inde ? Et les Daces, les Mysiens, les Thraces, n’ont-ils pas été de tout temps si belliqueux, que l’histoire fabuleuse a

  1. Voy. Vegèce, l. III, c. xxiv.
  2. Voy. Végèce, l. III, c. xvii.
  3. Voy. Végèce, l. III, c. xvi.
  4. Voy. Végèce, l. III, c. xxvi.
  5. Voy. Végèce, l. III, c. xxvi.
  6. Voy. Végèce, l. III, prolog.