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avec toute l’insolence d’un vainqueur en pays conquis.

Pendant qu’Apodème met le feu partout, et fait désirer impatiemment la présence de Silvain, Dynamius, pour assurer l’effet de sa manœuvre, adresse au tribun de la manufacture de Crémone, sous les noms de Silvain etde Malarie, des lettres analogues à celles qu’il avait fait remettre par le préfet à l’empereur. Il y était invité tout simplement, comme sachant d’avance ce dont il s’agissait, à tout disposer promptement pour l’exécution. Le tribun lut et, relut, sans rien comprendre. Sa mémoire ne lui rappelant aucun rapport intime avec les personnes qui lui écrivaient, il prit le parti de retourner à Malarie sa mission supposée par le porteur, accompagné d’un soldat ayant charge de le prier de s’expliquer clairement, et sans réticences, avec un esprit grossier qui n’entendait pas les énigmes. Malarie, qui était fort découragé et fort triste, et qui gémissait amèrement sur son sort et sur celui de son compatriote Silvain, comprit d’abord tout le mystère. Il rassemble aussitôt tout ce qui se trouvait de Franks au palais (ils y étaient nombreux et influents), et, dans le langage le plus animé, leur fait part de sa découverte. Grande rumeur : un complot était pris sur le fait, c’était contre eux qu’il était dirigé. L’empereur, instruit de ce qui se passe, ordonne aussitôt une révision de l’affaire, et veut qu’elle ait lieu en présence de tous les membres du conseil, tant de l’ordre civil que de l’ordre militaire. Déjà les juges renonçaient à voir clair dans ce dédale, quand Florence, fils de Nigrinien, qui remplaçait alors le maître des offices, regardant de plus près l’écriture des pièces, y retrouva en dessous quelques traits des caractères primitifs ; et bientôt on acquit la certitude que les interpolations d’un faussaire avaient travesti à plaisir la pensée du général.

L’imposture parut alors au grand jour. L’empereur, s’étant fait rendre un compte détaillé de la procédure, cassa le préfet, et le fit mettre en jugement ; mais sa cabale s’évertua, et réussit à le faire acquitter. Eusèbe, ex-intendant du domaine, confessa sur le chevalet qu’il avait eu connaissance de cette machination. Édèse se tira d’affaire en se renfermant dans une dénégation absolue. Tout le reste des prévenus fut renvoyé absous. Quant à Dynamius, pour récompense de ses mérites, il fut nommé correcteur. On l’envoya régenter la Toscane.

Cependant Silvain, qui était à Agrippine[1], y recevait avis sur avis des menées d’Apodéme pour le perdre. Ne connaissant que trop le cœur pusillanime du prince, et le peu de fond qu’on pouvait faire sur ses bonnes intentions, il se voyait à la veille d’être, sans qu’on l’eût entendu ni condamné, traité en criminel. Un moment il songea, pour sortir d’une position si critique, à demander asile aux barbares ; mais il en fut dissuadé par Laniogaise, alors tribun, le même qui, n’étant encore que candidat, était resté seul, ainsi que nous l’avons dit, près de l’empereur Constant au moment de sa mort, et avait recueilli ses derniers soupirs. De la part des Franks, ses compatriotes, Silvain, disait-il, ne pouvait s’attendre qu’à être assassiné, ou vendu à ses ennemis. Une résolution extrême était donc inévitable. Silvain eut des pourparlers avec les

  1. Cologne.