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mais d’un ton d’arrogance incroyable, en arbitre, en dispensateur de la paix. Au jour marqué on le vit se poser superbement sur l’autre rive, entouré des siens, qui faisaient un fracas effroyable de leurs boucliers.

(5) De son côté, l’empereur, monté sur des barques, avec une escorte militaire considérable, s’approcha tranquillement du bord, déployant tout l’appareil des enseignes romaines. Lorsque les barbares eurent cessé leur tumulte et pris une attitude plus calme, la conférence ne tarda pas à s’ouvrir, et se termina promptement par le serment réciproque d’observer la paix.

(6) Ce roi, jusque-là si turbulent et si hostile, sortit de cette entrevue notre allié, et jusqu’à la fin de sa vie nous donna les plus nobles témoignages d’attachement et de loyauté.

(7) Macrin périt dans la suite en pays franc, qu’il ravageait avec fureur, dans une embuscade que lui tendit leur belliqueux roi Mallobaude. Après la conclusion du traité, Valentinien alla prendre ses quartiers d’hiver à Trèves.

Chapitre IV

(1) Tels étaient les événements dans les Gaules et le nord de l’empire. Mais en Orient un mal funeste minait l’intérieur de l’État, pendant que la guerre se taisait sur la frontière ; mal dont il faut chercher la cause dans l’égoïsme et la corruption profonde de tout ce qui formait l’entourage de Valens. La cour travaillait ardemment à empêcher cet esprit naturellement rigide, et qui montrait du goût pour les débats judiciaires, d’intervenir personnellement dans la dispensation de la justice. L’orgueil des grands s’alarmait de cette tendance, sentant bien que c’en était fait de la licence indéfinie dont ils avaient joui jusqu’alors dans leurs passions et dans leurs désordres, si, comme au temps de Julien, l’innocence et le bon droit venaient à retrouver protection devant les tribunaux. La majesté impériale souffrirait, à les entendre, d’un contact avec les chétifs intérêts des particuliers.

(2) Modeste, préfet du prétoire, esprit tout à fait sans culture, quoiqu’il eût l’art de s’en passer, et qui était tout dévoué à la faction des eunuques, parlait en ce sens plus haut que tous les autres. Valens en vint à se persuader que la judicature n’est en effet instituée que pour ravaler le pouvoir. Dès lors il s’abstint d’examiner les procès, et ouvrit ainsi la porte à ce débordement de rapines que nous voyons s’étendre de jour en jour. Plus d’obstacles désormais à l’odieuse collusion des avocats et des juges, qui se frayent concurremment un chemin aux honneurs et à la fortune, en vendant les intérêts des petits à l’avide oppression des grands de l’État et des chefs de l’armée.

(3) C’est avec raison que Platon a défini l’éloquence du barreau : "simulacre d’une partie de la politique ; quatrième espèce de la flatterie" ; et qu’Épicure l’appelle "industrie perverse", et la range parmi les arts nuisibles. Tisias, et, avec lui, Gorgias de Léontium, la qualifient d’œuvre de séduction ; d’où il faut conclure qu’elle était en état de suspicion chez les anciens.

(4) Les pratiques des avocats d’Orient en ont fait un objet d’aversion pour les honnêtes gens, à ce point que la limite d’un temps déterminé finit par être imposée à l’exercice de la parole. Avant de reprendre mon récit, je veux dire en quelques mots ce qu’un long séjour dans ces contrées m’a mis à même de voir des déportements de cette classe d’hommes.

(5) C’étaient les beaux jours de l’antique barreau, quand des hommes à l’élocution prompte, à l’esprit