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comparut comme ayant eu connaissance du complot, et ne dut son salut qu’au dévouement du philosophe Pasiphile, qui, torturé jusqu’à la mort pour le charger par un mensonge, persista dans une héroïque dénégation.

(37) Vint ensuite un autre philosophe, Simonide, bien jeune encore ; mais quels principes austères ! On l’accusait d’avoir reçu des confidences de Fiduste. Il vit que la passion, et non l’intérêt de la vérité, était l’âme des débats : dès lors il déclara qu’effectivement on lui avait tout dit, mais en se fiant à sa discrétion, et qu’il s’était tu.

(38) L’empereur, qui avait suivi pas à pas l’instruction, confirma la délibération des juges, en réunissant tous les accusés dans une même sentence de mort. Ils eurent tous la tête tranchée, en présence d’une multitude immense qui manifesta son horreur pour ce spectacle, et qui ne put contenir ses gémissements ; tant le malheur de chacun des condamnés était regardé comme un malheur public ! II y eut une exception pour Simonide. Son intrépide constance avait exaspéré la cruauté de son juge, qui le condamna au feu.

(39) Simonide quitta la vie comme on se sépare d’une tyrannique maîtresse, impassible, et souriant au milieu des flammes. Sa fin ressemble à celle du célèbre philosophe Pérégrin, surnommé Protée, qui, décidé à sortir de ce monde, se jeta, en présence de toute la Grèce assemblée aux jeux Olympiques, dans un bûcher élevé de ses propres mains.

(40) Les jours d’après, la multitude de tous rangs (le nombre et les noms m’échappent), englobée dans le filet de l’accusation, fatigua le bras du bourreau, pour le peu qui leur restait de vie après le fouet et la torture. Il y en eut d’exécutés pendant qu’on discutait encore s’ils iraient au supplice ; c’était une véritable boucherie.

(41) On s’avisa, mais après coup, pour donner une couleur moins odieuse aux massacres, de rassembler en monceau des livres et des cahiers trouvés dans diverses maisons, et de les brûler sous les yeux des juges, comme traitant de sujets illicites. C’était, en presque totalité, des ouvrages sur le droit ou sur les arts libéraux.

(42) Peu de temps après, le savant et célèbre Maxime, dont les leçons avaient tant contribué à l’éducation scientifique de l’empereur Julien, fut accusé d’avoir eu connaissance de la prédiction. Il convint du fait, s’excusant, sur son caractère de philosophe, du silence qu’il avait gardé. Il affirma même avoir dit que tous ceux qui avaient interrogé le sort périraient du dernier supplice. Il n’en fut pas moins conduit à Éphèse, sa patrie, pour y avoir la tête tranchée, montrant ainsi que le sort du prévenu dépend moins de la gravité des charges que de la disposition du juge.

(43) Une accusation mensongère vint également enlacer Diogène, rejeton d’une famille illustre, et personnellement distingué par son esprit, par son éloquence, par l’agrément de son commerce. Il avait été longtemps correcteur de Bithynie. On le fit mourir pour s’emparer de son riche patrimoine.

(44) Il n’y eut pas jusqu’au lieutenant honoraire de Bretagne, Alypius, le plus inoffensif des hommes, que l’odieuse tyrannie ne vînt chercher dans sa retraite, changeant en jours de deuil ses paisibles loisirs. On l’accusa de magie, sur l’unique déposition d’un nommé Diogène, rebut de la lie du peuple, que la torture fit parler comme il plaisait à l’accusateur, c’est-à-dire au prince,