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franchirent l’obstacle de l’Océan, et, marchant droit à notre frontière, firent un grand massacre de sujets romains. Le comte Nanniénus, officier d’une expérience consommée, qui commandait de ce côté, soutint la première furie de l’invasion.

(2) Mais ces barbares se battent en désespérés ; il perdit contre eux beaucoup de monde. Blessé lui-même, et se sentant désormais trop affaibli pour tenir seul plus longtemps campagne, il informa de sa situation l’empereur, qui, sur sa demande, envoya Sévère, maître de l’infanterie, à son secours.

(3) L’arrivée de ce général sur le terrain, avec des forces suffisantes, jeta l’effroi chez l’ennemi et la perturbation dans ses rangs Avant d’en venir aux mains, le cœur lui manqua à la seule vue des aigles et des enseignes romaines. Il implora le pardon et la paix.

(4) On hésita longtemps avant d’accepter la proposition, mais on reconnut enfin qu’elle était toute à notre avantage. Une trêve fut conclue ; et les Saxons, après nous avoir livré, aux termes du traité, une partie notable de leur jeunesse valide, purent ostensiblement, sans obstacle, retourner là d’où ils étaient venus.

(5) Cependant, tandis qu’ils opéraient sans inquiétude leur mouvement rétrograde, un détachement d’infanterie les devança secrètement, et alla prendre, dans une étroite vallée, une position d’où l’on pouvait les accabler aisément. L’événement toutefois dérangea ce calcul.

(6) Au bruit des barbares qui s’approchaient, une partie de l’embuscade se montra trop tôt, et, troublée par les affreux hurlements que ceux-ci poussèrent alors, prit la fuite sans avoir pu se former. On parvint cependant à se rallier et à tenir ferme. Mais il fallait soutenir le choc de forces supérieures ; et les nôtres eussent succombé jusqu’au dernier si leurs cris de détresse n’avaient promptement attiré sur ce point un escadron de eataphractes qui s’était posté, d’après le plan d’attaque, à l’embranchement d’un chemin, pour prendre en flanc les barbares.

(7) La mêlée devint furieuse. Mais les Romains avaient repris courage, et l’ennemi, cerné de toutes parts, fut passé au fil de l’épée, sans qu’un seul de cette multitude pût revoir le sol de sa patrie. En stricte justice, un tel acte s’appelle perfidie, déloyauté. Mais comment faire sérieusement un crime à la politique romaine d’avoir saisi l’occasion, qui s’offrait si belle, d’écraser un nid de bandits ?

(8) C’était là sans doute un résultat considérable. Valentinien toutefois n’en était pas moins livré à l’agitation d’esprit la plus vive. Il formait projets sur projets pour parvenir à humilier l’orgueil des Alamans et de leur roi Macrien, dont les perpétuelles incursions tenaient l’empire en alarme.

(9) Cette féroce nation avait, malgré les échecs infligés à sa puissance naissante, tellement accru sa population, qu’elle semblait avoir joui de plusieurs siècles de paix. L’empereur, après une suite de plans conçus et abandonnés, s’arrêta finalement à l’idée de leur jeter sur les bras la belliqueuse race des Burgondes, dont la vaillante et inépuisable jeunesse était l’effroi de tous ses voisins.

(10) Une correspondance fut ouverte, par l’entremise d’agents discrets et sûrs, avec les rois du pays, que l’on pressait de prendre jour pour une attaque de concert. Valentinien, de son côté, promettait de passer le Rhin en personne