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élevée de la place, qui était située dans les montagnes, et l’âpreté du climat, rendaient les opérations impraticables en hiver. Cylace, en sa qualité d’eunuque, savait s’y prendre avec les femmes : il voulut essayer de cette influence. Arrabanne et lui se rendirent ensemble, munis d’un sauf conduit, sous les murs de la ville, et en obtinrent l’entrée. En premier lieu ils tentèrent d’effrayer la reine et la garnison, en insistant sur la violence du caractère de Sapor, et sur la nécessité de le fléchir par une prompte soumission.

(7) Mais, après quelques pourparlers, ces négociateurs si ardents pour la reddition de la place, touchés des larmes éloquentes de la reine sur le sort de son mari, entrevoyant peut-être de ce côté de plus grandes récompenses, changèrent de plan tout à coup, et nouèrent une secrète intelligence avec les assiégés. Il fut convenu qu’une sortie nocturne de la garnison aurait lieu à une heure déterminée, pour faire main basse sur le camp, et que préalablement ils allaient y retourner pour assurer l’effet de cette surprise.

(8) Après avoir engagé leur honneur par serment, ils quittèrent Artogérasse, revinrent dire à l’armée que les assiégés demandaient deux jours pour délibérer sur ce qu’ils avaient à faire, et l’endormirent sur la foi de cette déclaration. En effet, vers l’heure de la nuit où le sommeil a le plus de puissance, les portes de la ville s’ouvrent tout à coup. Use troupe choisie se glisse sans bruit, l’épée au poing, dans le camp, et y fait un grand carnage, sans trouver de résistance de la part des Perses.

(9) Cette défection inopinée et le désastre qu’elle amena devinrent un grave sujet d’irritation entre nous et Sapor. Et le ressentiment de ce dernier fut encore accru lorsqu’il apprit l’évasion de Papa, fils d’Arsace, qui avait furtivement quitté la ville par le conseil de sa mère, et l’accueil fait au fugitif par Valens, l’empereur lui ayant assigné pour résidence la ville de Néocésarée dans le Pont, avec un traitement aussi libéral qu’honorable. Ces marques d’intérêt encouragèrent Cylace et Arrabanne à envoyer à Valens une députation. Ils lui demandaient Papa pour roi, et des secours.

(10) Les secours furent refusés, attendu les circonstances. Mais le duc Térence eut mission de ramener Papa en Arménie pour y exercer le pouvoir, sans prendre les insignes du roi ; condition qu’on lui imposa pour éluder le reproche d’infraction au traité.

(11) Toute cette transaction exaspéra au dernier point Sapor, qui rassembla des forces nombreuses, et dès lors se mit à ravager ouvertement l’Arménie. À son approche, Papa tremblant, et n’attendant aucune assistance, s’enfuit avec Cylace et Arrabanne, non moins effrayés, et gagna la cime des hautes montagnes qui séparent l’empire du territoire lazique. Pendant cinq mois qu’ils y restèrent cachés, ils mirent en défaut les poursuites du roi de Perse.

(12) Ce dernier comprit enfin qu’il perdait son temps à les y chercher pendant l’hiver. Il incendia les arbres fruitiers, plaça des garnisons dans tous les forts du pays qu’il avait pris par ses armes ou s’était fait livrer par ses intrigues, et revint avec toutes ses forces tomber sur Artogérasse, qu’il emporta et brûla après quelques alternatives de combats qui achevèrent d’épuiser la garnison. La femme d’Arsace et ses trésors tombèrent alors en son pouvoir.

(13) Ces événements déterminèrent