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roi de théâtre quand il était sûr de lui ; Dave quand il avait peur.

(3) De même que le poisson ne vit guère hors de son élément, Probus ne respirait plus dès l’instant qu’il cessait d’être en charge. Au surplus, il y avait toujours pour le pousser au pouvoir bon gré mal gré, l’intérêt de quelque grande famille qui, ne sachant accorder la règle du devoir avec l’intempérance des désirs, voulait s’assurer l’impunité en se ménageant un patronage élevé.

(4) Car, il faut l’avouer, si personnellement il était incapable d’exiger rien d’illicite d’un client ou d’un subordonné, il ne manquait pas cependant, lorsqu’une prévention pesait sur l’un des siens, de prendre à tort ou à raison son parti, fût-ce même en dépit de toute justice. C’est une conduite énergiquement blâmée par Cicéron : "Où est la différence, dit-il, entre conseiller le mal et le trouver bon ? ma volonté n’y était pour rien. Qu’importe, si je l’approuve après coup ? "

(5) Son caractère était défiant, concentré ; son sourire amer. Il le rendait caressant quand il avait envie de nuire ; mais il est rare que cette hypocrisie ne se trahisse, au moment où l’on se croit le plus sûr d’en imposer.

(6) Son inimitié était inflexible, implacable, et jamais ne fut désarmée par l’aveu d’un tort involontaire. On eût dit qu’il se bouchait les oreilles, non pas avec de la cire, mais avec du plomb. L’esprit inquiet, le corps souffrant, c’est ainsi qu’il consuma sa vie, toujours au faite des honneurs, au comble des prospérités. Tel était l’état des choses en Occident à cette époque.

Chapitre XII

(1) Cependant le vieux roi de Perse ne perdait pas ce goût d’envahissement qui dès le début avait signalé son règne. Après la mort de Julien et l’ignominieux traité qui l’avait suivi, une apparence de concorde subsista quelque temps entre nous et ce prince. Mais il ne tarda pas à fouler aux pieds ce pacte, comme s’il eût cessé d’être obligatoire depuis que Jovien n’était plus ; et déjà on le voyait étendre la main sur l’Arménie et chercher à la réunir à son domaine.

(2) L’esprit public y étant contre lui, il employait tour à tour l’artifice et la violence, tantôt essayant de séduire les satrapes et les grands du pays, et tantôt exerçant des hostilités sur un point ou sur un autre.

(3) Parvenu enfin, par une combinaison inouïe de ruses et de parjures, à fasciner le roi Arsace lui-même et à l’attirer dans un festin, il le fit aussitôt conduire dans un endroit écarté, où on lui creva les yeux. Après quoi le roi captif fut chargé de chaînes d’argent (honneur qui ne s’accorde qu’aux grands, et qui, dans les idées du pays, est un adoucissement de la peine) ; puis relégué dans un fort nommé Agabana, où finalement il fut mis à mort au milieu des tortures.

(4) Le perfide monarque ne s’en tint pas à cette violation de la foi jurée : il chassa Sauromace, qui tenait de nous le sceptre d’Ibérie, et mit à la tête de cette contrée Aspacuras, un inconnu qu’il affubla du diadème, en témoignage de son mépris de la puissance romaine.

(5) Pour comble d’insolence enfin, il conféra l’autorité sur l’Arménie entière à deux transfuges, l’eunuque Cylace et Arrabanne (l’un y avait été préfet, l’autre, dit-on, chef de la force armée), leur intimant l’ordre à tous deux de ne rien négliger pour prendre et détruire Artogérasse, ville très forte, munie d’une bonne garnison, où était enfermé le trésor d’Arsace avec sa veuve et son fils.

(6) Le siège s’ouvrit en conséquence. Mais l’assiette