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Épiphane, et cette statue du dieu, égale en grandeur à la figure de Jupiter Olympien, devinrent la proie d’un incendie.

(2) Ce désastre irrita singulièrement l’empereur, qui ordonna l’enquête la plus sévère, et fit fermer l’église cathédrale d’Antioche. Il soupçonnait les chrétiens de cet attentat, où les aurait poussés leur dépit de voir entourer le temple d’un magnifique péristyle.

(3) On attribuait toutefois, quoique assez vaguement, ce malheur à une cause purement accidentelle. Le philosophe Asclépiade, dont le nom est cité dans l’histoire de Magnence, pendant un voyage qu’il fit pour voir Julien, étant allé visiter le temple, avait déposé, disait-on, aux pieds de la colossale statue une figurine en argent de la mère des dieux, qu’il avait, suivant l’usage, entourée de cierges allumés, et ne s’était retiré que vers le milieu de la nuit, heure où personne n’était là pour porter secours. Or, les flammèches des cierges avaient gagné les parois du temple, que leur vétusté rendait au dernier degré susceptibles de prendre feu ; et tout l’édifice, malgré son élévation prodigieuse, avait été en un instant réduit en cendres.

(4) Cette même année il y eut une sécheresse si affreuse, qu’on vit tarir les sources les plus abondantes ; mais leur cours naturel ne tarda pas à se rétablir. Le 4 des nones de décembre, dans la soirée, ce qui restait de Nicomédie fut renversé par un nouveau tremblement de terre ; et Nicée, en grande partie, éprouva le même sort.

Chapitre XIV

(1) Julien, dont le cœur était ému de tant de calamités, n’en apporta pas une activité moindre à compléter ses armements pour l’époque désirée où la campagne allait s’ouvrir. Mais, au milieu de ces préoccupations sérieuses et utiles, il en avait une des plus vives, que la raison ne saurait approuver, et qui n’avait pas même alors de prétexte plausible : celle d’abaisser arbitrairement, et par vaine ambition de popularité, le prix des denrées. Cette opération est des plus délicates ; et si l’on n’y porte une main prudente, elle a pour conséquence ordinaire la pénurie et la famine.

(2) Vainement les magistrats municipaux lui démontraient jusqu’à l’évidence l’inopportunité d’une telle mesure : il ne tint compte d’aucune objection, et montrait sur ce point le même entêtement que son frère Gallus, moins ses violences sanguinaires. Le dépit que Julien conçut de cette opposition, par lui qualifiée de malveillante, donna naissance au virulent pamphlet qu’il intitula l’Antiochien, ou Misopogon. C’est une série d’invectives, où tout n’est pas vérité, et qui en revanche lui attira plus d’un trait mordant. Julien ne l’ignorait pas ; et, bien qu’il crût devoir s’en taire, sa rancune ne perdit rien à être concentrée.

(3) Les railleurs se divertissaient à l’appeler Cercope, et à donner ainsi son signalement : Petit homme à barbe de bouc, qui va carrant son étroite poitrine, et fait des enjambées à la façon de l’Otus ou de l’Éphialte de l’Iliade. Puis c’était le sobriquet de victimaire, qui renchérit sur le terme de sacrificateur ; allusion maligne à ses boucheries de victimes. On ne faisait pas grâce non plus à cette manie de se mêler ostensiblement des fonctions sacerdotales, et de se montrer portant dans ses mains les choses sacrées, au milieu de processions de dévotes. Tous ces sarcasmes irritaient profondément Julien, qui se