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stricte équité par ce motif ou par tout autre.

(3) La conscience du juge, dans tout procès, ne doit faire acception que du juste ou de l’injuste. On n’est pas plus en garde sur mer contre le danger d’un écueil, qu’il ne l’était contre l’oubli de cette règle. C’est dans cet esprit que, sentant bien souvent le sang-froid lui manquer, il permettait aux préfets, ou à ses assesseurs, de l’avertir de ses entraînements de vivacité, se montrant toujours affligé de ses écarts, et reconnaissant des remontrances.

(4) Un jour, que des avocats élevaient jusqu’au ciel la rectitude d’une de ses sentences, il répondit assez vertement : "Je serais plus touché de l’éloge, et plus disposé à m’en glorifier, si je pouvais me dire : ’J'aurais été repris dans le cas contraire’."

(5) Un mot assez plaisant pourra faire juger, à ce propos, du peu de roideur de ses formes judiciaires. Une plaideuse, un jour, voyant sa partie adverse, officier du palais, et qui avait été du nombre des éliminés, arriver au tribunal ceint du baudrier d’ordonnance, se mit à jeter les hauts cris d’une réintégration dont elle augurait mal pour sa cause : "Ne laissez pas, lui dit Julien, d’exposer vos griefs. Votre partie ne gagne à cela que d’être mieux retroussée pour se tirer des boues ; et votre réclamation n’aura pas à en souffrir."

(6) Le poète Aratus a peint la Justice fuyant au ciel la perversité des hommes. Sur les exemples que j’ai cités (et ce ne sont pas les seuls) on eût pu dire, comme s’en vantait Julien lui-même, que son règne avait ramené cette déesse sur la terre. Et le mot eût été complètement juste, si, trop souvent, le prince n’eût mis sa décision propre à la place de la loi, et par là commis des erreurs dont sa gloire est obscurcie.

(7) Ce n’est pas cependant qu’il n’ait parfois heureusement rectifié le texte, éclairé ses obscurités, et déterminé avec plus de précision le sens positif ou négatif de tel ou tel passage. Il y a encore de lui un trait d’intolérance arbitraire, que je voudrais ensevelir dans un éternel oubli. Il interdit l’enseignement aux rhéteurs et aux grammairiens qui professaient le christianisme.

Chapitre XI

(1) Vers la même époque, ce notaire Gaudence, à qui le défunt empereur avait donné la mission de mettre l’Afrique sur le pied de résistance, fut, ainsi que son lieutenant Julien, transféré, chargé de chaînes, à Constantinople, et mis à mort.

(2) La peine capitale fut également appliquée à Artémius, ex-duc d’Égypte, contre lequel les Alexandrins élevaient les charges les plus accablantes. Le fils de Marcellus, ex-maître de la cavalerie, qui avait aspiré au trône, périt aussi par la main du bourreau. Et l’on envoya en exil les tribuns des scutaires Romain et Vincent, des première et seconde école, tous deux convaincus de vues ambitieuses trop au-dessus de leur condition.

(3) On ne fut pas longtemps sans apprendre à Alexandrie la mort d’Artémius. Les habitants ne redoutaient rien tant que son retour, et son maintien en charge ; car il s’était répandu en menaces, et eût exercé probablement de terribles représailles. Leur haine à l’instant se tourna contre George, évêque de la ville, qui, effectivement, avait montré contre eux l’acharnement d’une vipère.

(4) Né, s’il faut en croire le bruit public, dans l’atelier d’un foulon d’Épiphane, en Cilicie, cet homme avait fait son chemin, au mépris de tous droits,