Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/18

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour y trouver de quoi le perdre. Il avait été envoyé en Bretagne avec mission de se saisir de quelques officiers signalés comme fauteurs du parti de Magnence, mais qui n’y avaient trempé qu’à leur corps défendant. Ce ministère de rigueur prit dans ses mains une extension indéfinie, comme l’inondation qui gagne de proche en proche ; et bientôt une multitude d’existences se trouvèrent menacées. Ce n’était que ruine et désolation sur ses pas. Les prisons se remplirent d’hommes nés libres, dont les membres quelque fois étaient brisés sous le poids des chaînes ; et cela, pour des crimes inventés à plaisir et dénués de toute vraisemblance. Tant d’excès aboutirent à une scène tragique, et qui imprime au règne de Constance une tache ineffaçable.

Martin, qui administrait ces provinces comme lieutenant des préfets, déplorait amèrement des actes d’un si odieux arbitraire. Souvent il avait intercédé en faveur des victimes, demandant grâce pour les innocents. Ne pouvant rien obtenir, il déclare en dernier lieu qu’il va se démettre de sa charge, croyant par cette menace intimider l’informateur sans pitié, et l’empêcher de tirer les gens de leur repos pour en faire des coupables. Paul craignit en effet que sa propre influence n’en souffrit ; et, par un trait nouveau de cette fatale habileté qui lui a valu le surnom de Catena (chaîne), au moment où le préfet par intérim défendait le plus chaudement les intérêts de ses administrés, il sut l’engager lui-même dans le danger commun. Déjà il pressait l’arrestation du nouveau prévenu, dans l’intention de le conduire enchaîné avec les autres à la cour de l’empereur. Martin, en présence d’un péril si pressant, se jette sur Paul l’épée nue, mais il frappa d’une main mal assurée, et, voyant le coup sans effet, tourna l’arme contre lui-même, et s’en perça le flanc. Ainsi périt misérablement le plus honnête des hommes, en s’efforçant de sauver des milliers d’infortunés. Après tant d’atrocités, Paul, tout couvert de sang, revint au camp où se trouvait l’empereur, traînant après lui une foule de captifs, tous pliant sous le poids des chaînes, et dans le plus déplorable état de misère et d’accablement. A leur arrivée ils trouvèrent les chevalets dressés, et le bourreau comme en permanence, au milieu de l’appareil des tortures. Ceux-ci furent proscrits, ceux-là exilés ; le reste passa par le glaive. Car dans tout ce règne de Constance, où il suffisait d’un soupçon pour mettre en jeu les instruments de supplice, on aurait peine à trouver un seul exemple d’acquittement.

VI. Orfite, à cette époque, gouvernait à titre de préfet la ville éternelle, et, dans l’exercice de cette charge, dépassait audacieusement les bornes d’un pouvoir délégué ; esprit capable et rompu à la pratique des affaires, mais en qui le défaut de culture se montrait à un degré presque honteux chez un homme bien né. Il éclata sous son administration des séditions graves, causées par la disette du vin, cette boisson dont l’usage immodéré est si fréquemment la cause immédiate des soulèvements populaires. Mais je me figure l’étonnement d’un étranger à qui ce livre tomberait entre les mains, en ne trouvant qu’émeutes, scènes d’ivrognerie, et autres semblables turpitudes, dans la relation de ce qui s’est passé à Rome à cette époque. Une explication est donc indis-