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si durement à Constantin de prostituer les dignités à des barbares.

Chapitre XIII

(1) Tandis que Julien, un jour confiant, un jour inquiet, poursuivait son entreprise hardie, les rapports contradictoires que Constance recevait à Édesse de ses espions le jetaient dans une perplexité dont se ressentaient ses mesures. Tantôt il formait des partis pour battre la campagne, et tantôt songeait à donner à Bézabde un nouvel assaut. Il était de la prudence en effet, au moment de porter ses armes vers le nord, d’assurer préalablement la défense de la Mésopotamie.

(2) Mais de l’autre côté du Tigre il y avait le roi de Perse, n’attendant pour le franchir qu’une réponse favorable des auspices, et qui, si l’on ne lui en barrait le passage, aurait bientôt poussé jusqu’à l’Euphrate. Connaissant d’ailleurs par expérience quelle était la solidité des murailles et la vigueur de la garnison, Constance hésitait à commettre ses soldats aux hasards d’un siège, quand il allait avoir besoin d’eux pour faire face à la guerre civile.

(3) Il fallait cependant occuper les troupes, et ne pas se faire accuser d’inertie. Les deux maîtres généraux de l’infanterie et de la cavalerie furent donc envoyés en avant avec un corps considérable, mais avec l’ordre toutefois d’éviter tout engagement avec les Perses. Ils devaient se borner à garnir la rive citérieure du Tigre, et à reconnaître sur quel point déboucherait l’impétueux monarque. De plus, il leur était spécialement recommandé, tant de vive voix que par écrit, de se replier aussitôt qu’une force ennemie tenterait le passage.

(4) Pour Constance, tandis que ses lieutenants couvraient la frontière, et tâchaient d’éclairer les mouvements du plus fallacieux des ennemis, il se tenait prêt, avec le gros de l’armée, à prendre en personne l’offensive, et à couvrir tour à tour les places menacées. Éclaireurs et transfuges (car il arrivait de ces derniers de temps à autre) se contredisaient dans leurs rapports. C’est que chez les Perses le secret des plans n’est connu que des plus grands personnages, confidents impénétrables, et qui ont la religion du silence.

(5) Cependant ni Arbétion ni Agilon ne cessaient de conjurer l’empereur de venir les appuyer, protestant d’un commun accord qu’il ne fallait rien moins que le concours de toutes les forces pour soutenir le choc d’un aussi terrible adversaire.

(6) Au milieu de ces embarras, surviennent coup sur coup des avis trop certains que Julien, d’une course rapide, a franchi l’Italie et l’Illyrie ; qu’il occupe le pas de Sucques ; que de tous côtés lui arrivent des renforts, et, finalement, qu’il va tomber en force sur la Thrace.

(7) Ces nouvelles étaient désolantes. Constance se rassurait toutefois, en songeant à son bonheur continu contre les ennemis de l’intérieur. Mais le parti à prendre n’en était pas moins difficile. Il résolut de se porter d’abord où le péril était le plus menaçant, et de faire partir devant lui l’armée par convois successifs sur les voitures de l’État.

(8)Tout le conseil fut de cet avis, et le transport aussitôt commença par cette voie expéditive. Mais Constance apprit le lendemain que Sapor, ayant trouvé les auspices contraires, avait rebroussé chemin avec son armée. Délivré de cette crainte, il rappelle à lui tout son monde, sauf le corps destiné à la garde de la Mésopotamie, et retourne lui-même