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Les plus fortes raisons lui faisaient considérer comme indispensable la prise de Phénice, dont on pouvait faire un boulevard inexpugnable contre les entreprises de l’ennemi ; et cependant la saison était trop avancée pour songer à l’emporter de vive force. Il résolut donc de ne plus reprendre sérieusement l’offensive, et de se contenter d’un blocus, espérant prendre les Perses par la famine. L’événement trompa son attente.

(25) On continuait à se battre, mais plus mollement, quand l’atmosphère chargée d’humidité se couvrit d’un voile de ténèbres. Des pluies continuelles détrempèrent le sol, naturellement gras dans ce canton, de manière à le rendre impraticable. Des éclats répétés de tonnerre, accompagnés d’éclairs, venaient de plus jeter la terreur dans les esprits.

(26) L’arc-en-ciel aussi ne cessait de se montrer. Je vais rendre compte en peu de mots de ce dernier phénomène. La terre échauffée laisse échapper de son sein des exhalaisons humides : ces vapeurs, d’abord condensées en nuages, se résolvent ensuite en fine rosée que colorent les rayons du soleil, quand elle se trouve opposée à son globe de feu. C’est ce qui cause l’iris ou l’arc-en-ciel ; et cette courbure que nous lui voyons lui est imprimée par la forme propre à la voûte du monde sur laquelle elle se déploie, et qui, suivant la physique, est celle d’une demi- sphère.

(27) L’œil découvre dans l’arc-en-ciel cinq bandes : la première, d’un jaune clair ; la seconde, plus foncée ou fauve ; la troisième, rouge ; la quatrième, pourpre ; et la cinquième, d’un bleu tirant sur le vert.

(28) On explique ainsi cette belle succession de couleurs. La nuance graduée des deux premières bandes tient à ce que leur jaune se confond plus ou moins avec la teinte de l’air environnant ; ce qui fait qu’il est plus pâle dans la première, plus vif dans la seconde. La troisième brille de ce beau rouge, parce que, soumise à l’action du soleil, elle en absorbe de très près les rayons. Le pourpre dont se revêt la quatrième provient des rayons qui s’amortissent en perçant ce voile de rosée, et ne donnent plus qu’un reflet assombri, d’un effet à peu près pareil à la couleur de feu. Cette dernière teinte enfin se perd en s’étendant, et se transforme en bleu et en vert.

(29) D’autres pensent que l’apparition de l’arc-en-ciel est due à l’interposition de quelque nuée plus dense et plus élevée qu’elles ne le sont d’ordinaire, que les rayons du soleil ne peuvent percer, et qui les renvoie avec une intensité multipliée par la réfraction. L’arc-en-ciel, dans ce système, recevrait du soleil lui-même les reflets de couleur analogue au blanc, et de la nue ceux qui ont l’apparence verdâtre. Effet d’optique à peu près semblable à celui que présentent les vagues, dont la couleur est bleue en haute mer, et qui blanchissent à l’œil au moment de se briser sur le rivage.

(30) L’arc-en-ciel est le précurseur des variations de l’aspect du ciel, qui, de calme et pur qu’il était, va se montrer sombre et orageux comme dans l’exemple présent, ou, de nébuleux, revenir à l’état de sérénité. De là cette allégorie si fréquente chez les poètes, qui font descendre du ciel Iris chaque fois qu’un changement va s’introduire dans l’état des choses. Il existe sur ce sujet bien d’autres théories encore. Mais j’ai hâte de reprendre ma narration.

(31) Cet état menaçant de l’atmosphère inspirait à Constance de vives inquiétudes. L’intempérie