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journée avait été fatale aux ennemis, et presque sans perte pour nous. Nous employâmes la nuit à nous refaire de nos fatigues. Au point du jour, on vit du haut des remparts une multitude confuse qui se dirigeait vers le camp ennemi : c’était la population entière de Ziata, devenue captive après la prise de cette forteresse. La force de cette place, et son enceinte étendue (elle a dix stades de circuit), l’avait fait choisir universellement comme lieu de refuge.

(2) Nombre d’autres villes avaient été prises également, et livrées aux flammes. Les Perses avaient fait des milliers d’esclaves. Dans la foule des captifs se trouvaient des vieillards infirmes et, des femmes de grand âge. Quand les forces venaient à manquer à quelqu’un de ces malheureux, épuisé par la longueur de la route, on lui coupait les tendons ou les jarrets, et on le laissait là.

(3) Les soldats gaulois, émus de ce spectacle de douleur, voulurent faire une sortie, menaçant leurs tribuns et leurs primipilaires de les tuer s’ils persistaient à les retenir. L’élan était généreux, mais l’instant mal choisi.

(4) Comme des bêtes féroces emprisonnées dans leurs loges, rendues plus furieuses par l’odeur de carnage qui s’en exhale, et dont la rage se brise impuissante contre leurs barreaux de fer, ils allaient frappant de leurs glaives les portes, dont la clôture, ainsi qu’il est dit plus haut, avait été ordonnée. C’était un tourment pour leur orgueil de penser que, la ville succombant, ils périraient sous ses ruines, sans laisser le souvenir de quelque brillant fait d’armes ; on même que le siège pourrait être levé avant que leurs bras eussent rien fait pour soutenir le renom de la bravoure gauloise. Dans leurs fréquentes sorties cependant ils avaient contribué de leur mieux à détruire les ouvrages de l’ennemi, lui avaient tué nombre de travailleurs, et avaient, en prodiguant leur sang, fait du moins leurs preuves de courage.

(5) Quel parti prendre avec ces furieux ? La question devenait embarrassante. Les contenir plus longtemps était impossible. On ne vit d’autre moyen que de leur permettre, à la condition d’un délai qu’ils n’acceptèrent pas sans murmure, de tomber sur les gardes avancées des Perses, qui n’étaient guère éloignées de la place que d’une portée de trait. On les autorisa même à se lancer au-delà, s’ils parvenaient à forcer ce premier obstacle ; car il y avait lieu de croire, dans ce cas, qu’ils trouveraient à faire un carnage prodigieux.

(6) En attendant, la garnison se défendait vigoureusement du haut des murs, travaillant ou se battant le jour, veillant la nuit, et garnissant les remparts de machines à lancer des traits ou des pierres. Pendant ce temps, les Perses firent élever par leurs gens de pied deux hautes terrasses ; procédant du reste avec beaucoup de lenteur à cette opération, qui leur assurait la prise de la ville. De leur côté, les nôtres construisaient, à grand renfort de bras, sur leurs murs, des échafauds qu’ils élevaient au niveau des terrasses, en tâchant de donner à ces constructions la solidité nécessaire pour résister à la charge énorme qu’elles auraient à supporter.

(7) Cependant l’impatience des Gaulois ne pouvait être plus longtemps contenue. Profitant d’une nuit épaisse et sans lune, ils sortirent par une poterne, armés de haches et d’épées, après avoir appelé la céleste assistance sur leur entreprise. Ils marchèrent d’abord, comptant leurs pas et retenant leur souffle ; mais en approchant de l’ennemi,