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ÉLOGE DE MONTESQUIEU

rompre les fers des malheureux, partout il cherche à adoucir la dureté de leur sort, et on ne lira point sans attendrissement ces endroits sublimes où il plaide leur cause contre les sophistes soudoiés pour justifier cet attentat.

Dans les pays où l’esclavage civil ou domestique se trouve malheureusement établi, il faut que les loix travaillent à en ôter les abus et les dangers. Après avoir assuré la vie des esclaves, elles doivent commettre des magistrats pour veiller à ce qu’ils ayent toujours la nourriture, le vêtement, des soins dans leurs maladies et leur vieillesse. Pour guérir le mal dans sa racine, elles doivent même limiter le terme de l’esclavage, faciliter aux infortunés qu’il fait gémir les moyens de se racheter, et fixer le prix de leur rançon. Au reste l’esclavage civil ne sauroit être toléré, tout au plus que dans les États d’un despote, pays où il ajoute très peu à la dureté de l’esclavage politique.

Après avoir examiné les loix dans les rapports qu’elles ont avec le climat, il étoit indispensable de les examiner dans les rapports qu’elles ont avec la qualité du terrain. Il suit des principes de l’auteur que les pays fertiles étant surtout composés de plaines, et les pays stériles de montagnes, le gouvernement monarchique convient mieux aux premiers, le gouvernement républicain aux derniers. D’ailleurs les pays fertiles ont besoin, pour être cultivés, de toute l’industrie humaine ; et la liberté étant le seul dédommagement de la dureté du travail, le gouvernement démocratique leur convient mieux encore que le gouvernement aristocratique.

La législation a un grand rapport avec la manière dont les peuples se procurent leur subsistance. Il faut moins de loix à un peuple chasseur qu’à un peuple pasteur ; il en faut moins aussi à un peuple pasteur qu’à un peuple agri-