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J.-P. MARAT

procuré auprès de l’ennemi qu’il vouloit attaquer, quelque allié qui pût joindre ses troupes à l’armée romaine ; et comme cette armée n’étoit jamais considérable par le nombre, il n’exposoit qu’une petite partie de ses forces ; tandis que les ennemis mettoient au hazard toutes les leurs.

La cassation des traités faits par les généraux des armées, pour se tirer de quelque mauvais pas ; et l’attention de continuer la guerre, en opposant aux ennemis ces mêmes troupes qu’ils avoient épargnées ou sauvées.

La fermeté inébranlable des Romains dans les revers, et leur maxime de ne jamais faire la paix qu’après la victoire ; politique qui leur imposoit la nécessité de vaincre, et les rendoit toujours maîtres des conditions du traité.

Leur adresse à profiter de la victoire, pour tenir abattus les peuples dont ils avoient triomphé.

Leur art d’imposer aux vaincus des conditions telles qu’elles achevoient toujours la ruine de l’État qui les acceptoit ; comme de faire sortir ses garnisons des places fortes, et de se faire livrer ses chevaux, ses éléphans, ses vaisseaux, ce qui ruinoit ses armées ; et de se faire payer des taxes excessives, ou un tribut exorbitant pour les frais de la guerre, ce qui ruinoit ses finances.

La loi qu’ils lui imposoient de ne faire aucune alliance, de n’accorder aucun secours, de n’entreprendre aucune guerre sans leur consentement, ce qui lui enlevoit sans bruit ses alliés, et lui ôtoit pour toujours la puissance militaire.

La coutume, à la fin de chaque guerre, de s’ériger en juges des peuples ; décidant des peines et des récompenses que chacun avoit méritées, ils donnoient à leurs alliés une portion des terres des vaincus ; par là ils s’attachoient des princes dont ils avoient peu à craindre, beaucoup à espérer, et ils en affaiblissoient d’autres, dont ils n’avoient rien à espérer, et tout à craindre.