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ÉLOGE DE MONTESQUIEU

tages de l’ennemi ; précaution qui les empêchoit d’être surpris deux fois de suite, enlevoit toute supériorité aux nations qu’ils combattirent tour à tour, et les mettoit eux-mêmes en état de combattre contre chacune avec les avantages de toutes les autres.

La sévérité de la discipline militaire, qui tendit toujours réunies les forces de l’armée, et les faisoit concourir au même but.

Les honneurs du triomphe, dont l’espoir élevoit les généraux au-dessus d’eux-mêmes.

La suite des grands hommes d’État et de guerre, que forma celle de leurs premiers rois.

Le changement de forme du gouvernement, qui ajouta à son énergie, sans l’exposer aux dangers de voir le prince s’endormir sur le trône.

L’établissement des consuls, ou plutôt la puissance passagère de ses chefs de la République qui les portoit à signaler par des exploits leur magistrature, afin d’en obtenir de nouvelles, ce qui fit qu’il n’y eut pas un moment de perdu pour l’ambition.

L’usage de juger de la gloire des généraux par la quantité de l’or qu’on portoit à leur triomphe, ce qui faisoit qu’ils ne laissoient rien eux vaincus, et que chaque guerre, mettoit Rome en état d’en entreprendre une autre.

La constance du Sénat à poursuivre le même plan politique.

La division qu’il semoit adroitement entre des États amis et alliés, et dont il profitoit pour les détruite les uns après les autres.

L’attention qu’il avoit de ne jamais avoir à la fois sur les bras deux ennemis puissans, et d’accorder une trève au plus faible ou de dissimuler, jusqu’à ce que le plus fort fût anéanti.

Le soin de ne jamais faire de guerre éloignée, sans s’être