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ÉLOGE DE MONTESQUIEU

Pour être peu marquée encore, elle n’en sera pas moins réelle. Sans doute ce n’est plus à présent que des vérités hardies, présentées avec chaleur, peuvent amener une révolution subite. Mais avec le tems, la raison se fait jour ; avec le tems, elle dissipe les préjugés, surmonte les obstacles et règne enfin avec empire. Avouons cependant que la lecture de l’Esprit des Loix ne s’est pas bornée parmi nous à exciter des sentimens stériles ; et quand elle n’auroit fait que tourner les idées vers la réforme des loix criminelles.

Le nom de Montesquieu n’en devoit pas être moins cher aux nations.

Nous avons vu en lui le génie presque sans bornes, la vertu sans tache, et l’amabilité enchanteresse.

Mortel chéri des dieux, qui, dans un siècle avili, fut donné à la terre pour marquer le plus haut point de perfection où peut atteindre l’humanité.

La nature fit tout pour lui : que la fortune ne lui prodigua-t-elle également ses faveurs ! Oui, s’il étoit réservé aux sages de gouverner le monde, il ne manqua à sa gloire que d’avoir été appellé auprès du trône pour être l’âme des conseils.

À sa gloire, ô ma patrie, son élévation manqua à ton bonheur.