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J.-P. MARAT

ton dogmatique d’un réformateur ; il eut recours à cette satyre délicatte, dont les atteintes, pour être moins violentes, n’en sont que plus sûres. C’est ainsi qu’il ébranla les autels de la superstition. C’est ainsi qu’il rendit ridicule les supports du fanatisme. C’est ainsi qu’il désarma l’intolérance, et qu’il décria les disputes théologiques, uniquement propres à scandaliser les sages.

D’autres l’avoient précédé dans cette réforme ; le premier parmi nous, il porta le flambeau de la philosophie dans la législation ; le premier parmi nous, il vengea l’humanité outragée, défendit ses droits, et devint en quelque sorte le législateur de la terre entière.

Il enseigna à ceux qui font les lois à respecter celles de la nature, les premières, et les plus sacrées de toutes.

Il apprit à ceux qui gouvernent, que les devoirs des princes et des sujets sont réciproques ; et s’il plia le peuple au joug de l’autorité, ce fut pour les rendre heureux dans l’empire de la justice.

Il fit sentir aux princes la nécessité de tempérer leur autorité pour l’affermir.

Il fit sentir aux sujets les divers avantages que les loix leur procurent, et les porta à les chérir.

Il éclaira les gouvernemens sur leurs vrais intérêts, fit détester l’abus du pouvoir, fit aimer l’autorité légitime, rendit sacré le respect dû aux loix et ne chercha à les perfectionner qu’afin de mieux affermir leur empire.

C’est à ces divers égards qu’il a influé sur son siècle.

Son influence sur le monde moral fut aussi prompte que prodigieuse, et il dut ces succès à la nature des armes dont il se servit pour combattre des erreurs funestes. Son influence sur le monde politique n’auroit pas été moins efficace, si ceux qui entourent les princes aimoient à s’instruire, pouvoient vouloir le bien, et s’ils n’étoient trop souvent intéressés au désordre.