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de s’en prendre à lui-même ; il est d’un homme complètement instruit de ne s’en prendre ni à un autre ni à lui-même.

VI.

Ne t’enorgueillis d’aucun avantage qui soit à autrui. Si un cheval disait avec orgueil : « Je suis beau, » ce serait supportable ; mais toi, quand tu dis avec orgueil : « J’ai un beau cheval, » apprends que tu t’enorgueillis d’un avantage qui appartient au cheval. Qu’est-ce qui est donc à toi ? L’usage de tes idées. Quand tu en uses conformément à la nature, alors enorgueillis-toi ; car tu t’enorgueilliras d’un avantage qui est à toi.

VII.

Il en est de la vie comme d’une navigation1. Si l’on relâche, et que l’on t’envoie faire de l’eau, accessoirement tu pourras sur ta route ramasser un coquillage ou un oignon, mais il faut toujours avoir l’esprit tendu vers le navire, te retourner sans cesse pour voir si le pilote ne t’appelle pas, et, s’il t’appelle, laisser tout cela pour ne pas te voir lié et jeté à bord comme un mouton : de même dans la vie, si au lieu d’un coquillage ou d’un oignon, tu as une femme et un enfant, rien n’empêche ; mais si le pilote t’appelle, cours au vaisseau, en laissant tout cela, sans te retourner. Si tu es vieux, ne t’éloigne pas trop du navire, pour ne pas risquer de manquer à l’appel.