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l’homme est absolument incapable d’arriver par ses propres forces au bien, la critique de Pascal perd de sa force ; encore, à certains égards, les stoïciens, qui étaient fatalistes, ne s’éloignaient-ils pas de ceux qui ont soutenu le dogme de la prédestination jusqu’à ses dernières conséquences, et même, comme eux, ils tombaient dans l’inconséquence d’admettre la morale et une morale rigoriste. Cependant on sent évidemment dans l’ascétisme stoïcien un autre esprit que dans l’ascétisme chrétien ; et Pascal a eu raison d’y voir une différence radicale. Les stoïciens ne se faisaient pas de la divinité les mêmes idées que les chrétiens. Le dieu des stoïciens, qui ne se distinguait pas du monde (κόσμος), n’est pas un être personnel qui puisse inspirer les sentiments que l’Homme-Dieu inspire à des chrétiens ; le Jupiter stoïcien est la loi universelle, il est la destinée qui détermine tout : on ne peut pas aimer la loi ni la destinée comme on aime un être doué de raison et de volonté. L’amour de Dieu, qui est le fond de l’ascétisme chrétien, est complétement étranger à l’ascétisme stoïcien. Épictète paraît dire les mêmes choses que les écrivains ascétiques ; mais les mêmes mots n’ont pas pour lui le même sens, et quand Pascal fait dire à Épictète « que l’homme peut par ces puis-