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tretien[1] où Pascal, causant avec M. de Saci, lui dit que « ses deux livres les plus ordinaires avaient été Épictète et Montaigne, » et met en parallèle Épictète et Montaigne « comme les deux plus grands défenseurs des deux plus célèbres sectes du monde et les plus conformes à la raison, puisqu’on ne peut suivre qu’une de ces deux routes, savoir : ou qu’il y a un Dieu, et lors il (l’homme) y place son vrai bien ; ou qu’il est incertain (qu’il y ait un Dieu), et qu’alors le vrai bien l’est aussi, puisqu’il (l’homme) en est incapable. » Il va même jusqu’à dire qu’Épictète a si « bien connu les devoirs de l’homme, » qu’ « il mériterait d’être adoré, s’il avait aussi bien connu son impuissance, puisqu’il fallait être Dieu pour apprendre l’un et l’autre aux hommes. » Il est remarquable qu’entre autres passages du Manuel, qu’il cite pour montrer qu’Épictète a bien connu les devoirs de l’homme, il n’a pas laissé de côté le chapitre xi, qui nous paraît si choquant : « Dites mon fils est mort, je l’ai rendu ; ma femme est morte, je l’ai rendue. »

Comme M. Havet l’a fort justement remarqué[2], ce jugement « est d’une originalité, d’une force

  1. M. Havet a le premier donné ce dialogue sous sa forme authentique dans son édition des Pensées de Pascal, publiée en 1852.
  2. Pensées de Pascal (2e édition), II, cxxxvii.