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masippe expose souvent ses idées sous la forme d’un dialogue pressant avec l’homme passionné qu’il s’agit de convaincre de folie. Épictète emploie ces procédés traditionnels avec une véritable originalité : « Bien que le style d’Épictète », dit très-bien M. Martha[1], « soit simple et d’une nudité athlétique qui sied bien à cette morale militante, on y rencontre çà et là des images frappantes qui saisissent l’esprit et donnent un vif éclat à ces solides pensées. Il a le langage populaire, incisif et pittoresque. Des comparaisons tirées de la vie commune révèlent une certaine originalité plébéienne. Mais son imagination est tout entière au service du raisonnement, ses métaphores ne sont que des démonstrations, et ses allégories mêmes ont la précision de la pure logique. Sa parole, libre comme son âme, affranchie des élégances convenues, ne dédaigne pas d’employer les expressions vulgaires, empruntées aux carrefours, et saisit parfois avec plaisir quelque mot trivial pour en accabler les objets de son mépris. Mais où paraît surtout la foi intrépide de ce prêcheur obstiné, c’est dans cette dialectique tranchante où il lutte avec les passions, où il les interroge, les fait répondre et les confond en quel-

  1. Les moralistes sous l’empire romain, Paris, Hachette, 1864, in-8, p. 197.