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essentiel de remarquer que l’expression grecque est beaucoup plus étendue que notre mot français vice, et comprend défaut, imperfection, puisque toute émotion qui trouble l’âme était vicieuse pour les stoïciens. A un autre point de vue, les vertus sont des facultés (ἀσφαλής), que nous avons reçues et dont nous devons user pour agir dans l’occasion avec prudence, avec tempérance, avec justice, avec courage, comme nous avons reçu la faculté de voir, celle d’entendre, etc.[1].

L’homme vertueux est sûr de lui (ἀσφαλής), sûr de ne pas tomber dans l’erreur et le vice[2] ; il est sans contrariété (ἀπαραπόδιστος), c’est-à-dire rien ne le gêne dans son action ; il est sans empêchement (ἀκώλυτος), c’est-à-dire rien ne le met dans l’impossibilité d’agir[3] ; il est libre (ἐλεύθερος), car personne n’est maître de lui donner ou de lui refuser ce qu’il veut ou ce qu’il ne veut pas[4]. L’homme vicieux, au contraire, est inconsistant (ἀσθενής) : il est contrarié (ἐμποδίζεται), il est empéché (κωλύεται), enfin il est esclave (δοῦλος).

Tout ce qui est bon et tout ce qui est mauvais dépend de nous (ἐφ’ ἡμῖν ἐστι), puisque l’acquiescement et toutes les opérations de notre âme -

  1. Épictète, Disc. I, 12, 28-31.
  2. Épictète, Discours III, 16, 9. Manuel, iv, xxxviii.
  3. Cicéron, de Finibus, III, 7, 36. Manuel, i, 2, 3.
  4. Manuel, xiv, 2.