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entier, imposée autrefois à l’Angleterre elle-même, a été exclue des archives parlementaires, et du texte des lois.

Non seulement on a violemment changé la condition politique de plus d’un demi million d’hommes, tous, sujets britanniques, descendant des deux plus grandes nations du monde, occupant un des territoires les plus anciennement colonisés de l’Amérique, et plus vaste que celui de la mère-patrie, jouissant de fait, d’une civilisation plus avancée que celle de la plupart des pays continentaux de l’Europe ; mais encore on a soumis cette population à la domination d’une autre population moindre par le nombre et qui ne lui est nullement supérieure en lumière et en industrie.

Alors, même, que l’on proclamait une réunion législative, on semait les germes d’une longue division politique. On créait entre les sujets d’un même empire, habitant désormais une même province, une double distinction de nationalité et de localité. Un sujet britannique, habitant le Haut-Canada, est déclaré valoir plus politiquement, et a de fait une plus grande part de pouvoir politique, et par là même plus de liberté qu’un de ses co-sujets résidant dans le Bas-Canada. La masse entière de la population du Haut-Canada d’origine britannique est déclarée supérieure à la masse de la population du Bas-Canada d’origine française, est dotée d’une plus forte proportion du pouvoir public, d’une plus grande part d’indépendance et de liberté. La nouvelle constitution décrétait ainsi en droit, et a établi en fait, l’oppression du Bas-Canada comme localité, l’oppression des Canadiens-français comme race.

L’esprit de parti a fréquemment attribué les plaintes des opprimés à un désir de domination de leur part, et c’est en leur inspirant la crainte d’être tyrannisés à leur tour, par ceux même qu’ils tyrannisent ; que les chefs d’une oligarchie effraient et dominent leurs partisans. « L’injustice n’est point naturelle à l’homme (a dit un grand écrivain) et ce n’est qu’en lui faisant croire que sa liberté est en danger qu’on peut l’amener à attenter à la liberté d’autrui. » Aussi parce que les Canadiens français, maltraités comme tels, ont dû se plaindre et faire allusion à leur origine, puisqu’on en fesait une démarcation d’infériorité, on a attribué leurs plaintes à la jalousie nationale, on leur a supposé des vues exclusives que