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nore de satisfaire à cette loi. Apitoyés, le perpétuel suspens d’une larme qui ne peut jamais toute se former ni choir (encore le lustre) scintille en mille regards, or un ambigu sourire déride ta lèvre par la perception de moqueries aux chanterelles ou dans la flûte refusant leur complicité à quelque douleur emphatique de la partition et y perçant des fissures de jour et d’espoir : spirituel avertissement et fil jamais rompu même si malignement il cesse, tu n’omets d’attendre ou de le suivre, au long du labyrinthe de l’angoisse que complique l’art non pour vraiment t’acabler comme si ce n’était point assez de ton sort ! spectateur assistant à une Fête, mais te replonger de quelque part dans le peuple que tu sois au saint de la Passion de l’Homme et t’en libérer selon quelque source mélodique de l’âme. Pareil emploi de la Musique qui la tient prépondérante comme magicienne, attendu qu’elle emmêle et rompt ou conduit notre divination, bref dispose de l’intérêt, la façonne seul au théâtre : il instruirait les compositeurs prodigues au hasard et sans l’exacte intuition de leur magnifique don de sonorité. Nulle inspiration ne perdra à étudier l’humble et profonde sagacité qui règle en vertu d’un besoin populaire les rapports de l’orchestre et des planches dans ce genre génial et français. Les axiômes s’y lisent, inscrits par personne ; un avant tous les autres ! que chaque situation insoluble comme elle le resterait en supposant que le drame fût autre chose que semblant ou piège à notre irréflexion, refoule, dissimule, et toujours contient le rire sacré qui la dénouera. Ce jeu perpétué les Pixéricourt et les Bouchardy de cacher dans le geste d’apparat dévolu au tragédien le doigté subtil d’un jongleur, c’est toute la science. La funèbre draperie de leur imagination ne s’obscurcit jamais au point d’ignorer que l’énigme derrière ce rideau n’existe sinon grâce à une hy-