Page:Mallarmé - Notes sur le théâtre.djvu/3

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tenant du mythe. Son solitaire drame ! et qui, parfois, tant ce promeneur d’un labyrinthe de trouble et de griefs en prolonge les circuits avec le suspens d’un acte inachevé, semble le spectacle même pourquoi existent la rampe ainsi que l’espace doré quasi moral qu’elle défend, car il n’est point d’autre sujet, sachez bien ! que celui-là, l’antagonisme de rêves chez l’homme avec les fatalités à son existence départies par le malheur.

Toute la curiosité, il est vrai, dans le cas d’aujourd’hui, porte sur l’interprétation, mais la juger, impossible ! sans la confronter au concept.

M. Mounet-Sully me dicte cette tâche.

À lui seul, par divination, maîtrise incomparable des moyens et aussi une foi de lettré en la toujours certaine et mystérieuse beauté du rôle, il a su conjurer je ne sais quel maléfice comme insinué dans l’air de cette imposante représentation. Non, je ne blâme rien à la plantation du magnifique site ni au port somptueux de costumes, encore que selon la manie érudite d’à-présent, cela date, trop à coup sûr ; et que le choix exact de l’époque Renaissance spirituellement embrumée d’un rien de fourrures septentrionales, ôte du recul légendaire primitif, changeant par exemple les personnages en contemporains du dramaturge : Hamlet, lui, évite ce tort, dans sa traditionnelle presque nudité sombre, un peu à la Goya. L’œuvre de Shakespeare est si bien façonnée selon le seul théâtre de notre esprit, prototype du reste, qu’elle s’accommode de la mise en scène dernière de ce temps, ou s’en passe, avec indifférence. Autre chose me déconcerte, que de tels menus détails infiniment malaisés à régler et discutables : un mode d’intelligence particulier au lieu parisien même où s’installe Elseneur et, comme dirait la langue philosophique, l’erreur du Théâtre Français. Ce fléau est im-