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danse, sans visée quelconque préalable, patiemment et passivement à se demander devant chaque pas, chaque attitude si étranges, et pointes et taquetés, allongés ou ballons « Que peut signifier ceci ? » ou mieux, d’inspiration le lire. À coup sûr on opérera en pleine rêverie, mais adéquate : vaporeuse, nette et ample, ou restreinte, telle seulement que l’enferme en ses circuits ou la transporte par une fugue la ballerine illettrée se livrant aux jeux de sa profession. Oui, Celle-là (serais-tu perdu en une salle, spectateur très étranger, Ami) pour peu que tu déposes avec soumission, à ses pieds d’inconsciente révélatrice, ainsi que les roses qu’enlève et jette en la visibilité de régions supérieures un jeu de ses chaussons de satin pâle et vertigineux, la Fleur d’abord de ton poétique instinct n’attendant de rien autre la mise en évidence et sous le vrai jour des mille imaginations latentes : alors, par un commerce dont son sourire paraît verser le secret, sans tarder elle te livre à travers le voile dernier qui toujours reste, la nudité de tes concepts et silencieusement écrira ta vision à la façon d’un Signe, qu’elle est.

Stéphane Mallarmé